Archéologie

Généalogie d’un mythe

Le Journal des Arts

Le 4 octobre 2007 - 580 mots

La Monnaie de Paris accueille les trésors qui donnent à la Toison d’or un fondement historique.

PARIS - Récit du voyage qu’entreprit Jason vers la Colchide à la recherche de la peau du bélier ailé Chrysomallos, le mythe de la Toison d’or rejoint la réalité le temps d’une exposition à l’Hôtel de la Monnaie, à Paris. D’abord présentée au Musée des arts asiatiques de Nice, celle-ci dévoile le résultat de fouilles menées en Géorgie à partir des années 1960, dans la région de l’ancienne Colchide. Ces recherches avaient révélé l’existence d’une civilisation raffinée, dont l’élite arborait de riches parures d’or.
Les bijoux proviennent du site de Vani (fondé peu avant le VIIIe siècle av. J.-C. et détruit vers 49 av. J.-C.), qui semble avoir été un centre religieux plus qu’une ville. Comme le souligne Nino Lordkipanidze, commissaire de l’exposition, Vani a livré les trésors funéraires d’une élite plutôt que des informations sur la vie quotidienne d’un peuple disparu. La qualité des pièces présentées atteste cette dimension exceptionnelle de l’orfèvrerie géorgienne. Les diadèmes dits « de la belle Colchidienne », datant du Ve siècle av. J.-C., en réunissent tous les traits caractéristiques. Aux décors de combats d’animaux, courants dans le monde hellénistique, se greffe une technique typiquement Colchidienne de dessin des motifs par grains d’or, appelée « granulation ».

Beauté plastique
Tout au long du parcours, le contenu des tombes s’égrène comme autant d’histoires. Dans la sépulture du noble Colchidien, qui rappelle que les hommes étaient inhumés aussi richement parés que les femmes, la présence de bijoux datés de plusieurs époques dénote une pratique de transmission et d’héritage des parures. Un peu plus loin, celle de la jeune femme au diadème recèle une étonnante paire de pendants d’oreilles figurant un guerrier sur un char. Sur tous les bijoux, colliers, bracelets et diadèmes, les motifs animaux sont présents en nombre. Tortues, oiseaux ou gazelles forment, accolés, une frise dessinant le visage d’un peuple vivant en étroit contact avec la nature.
Le pouvoir de fascination de ces objets semble avoir agi sur les commissaires de l’exposition, qui ont choisi de mettre l’accent sur l’indéniable beauté plastique des bijoux, oblitérant quelque peu le contexte global de leur découverte. Ainsi, la pluie de pastilles d’or qui parsèment le fond des vitrines ne trouve que tardivement son explication. Ces appliques rondes étaient pourtant cousues sur les linceuls, comme l’étaient, sur les voiles et les vêtements, les nombreux éléments zoomorphes également présentés ici. Ailleurs, les photos prises à l’ouverture des tombeaux révèlent la présence, aux côtés des bijoux, d’innombrables perles de verre. Associées aux pendants de tempes en or, elles formaient les parures de tête. On déplorera l’absence de ces perles au sein des vitrines de l’Hôtel de la Monnaie. Isolés, les bijoux sont posés comme de purs objets de délectation esthétique. Ce parti pris peine à relayer la spécificité et la complexité des rites dans lesquels ces objets étaient intégrés, construisant l’image épurée d’une Antiquité rêvée. Seul le début du parcours met l’accent sur le contexte funéraire des découvertes en présentant des statuettes retrouvées enterrées selon un rituel identique à celui alors réservé aux hommes. Ces statuettes étaient inhumées dans de petits caveaux, parées de bijoux d’or, diadèmes, pendants d’oreilles ou de tempes, au même titre que les dépouilles humaines. Un phénomène unique dont on regrette qu’il ne soit pas davantage mis en avant.

L’OR DE LA TOISON D’OR, TRÉSORS DE GEORGIE

Jusqu’au 7 novembre, Hôtel de la Monnaie, 11, quai de Conti, 75006 Paris, tél. 01 40 46 56 66, www.monnaiedeparis.fr, tlj 11h-19h.

L’OR DE LA TOISON D’OR

- Commissaires : David Lordkipanidze, directeur du Musée national de Géorgie, assisté de Nino Lordkipanidze - Scénographie : Lina Lopez

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°265 du 21 septembre 2007, avec le titre suivant : Généalogie d’un mythe

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