Daoulas

De l’universalité

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 4 octobre 2007 - 434 mots

Le Musée imaginaire”¯de Malraux hante l’exposition « Primitifs ? »

 DAOULAS (FINISTÈRE) - Dans cette belle abbaye d’un village du bout du monde, on ne se moque pas du touriste qui vient tuer le temps les jours de pluie. D’année en année se succèdent ici des expositions estivales qui associent qualité du discours et des pièces présentées, concédées toujours par de sérieux prêteurs, le tout dans une élégante scénographie qui n’a rien à envier aux expositions parisiennes. C’est encore le cas cette année, avec une nouvelle session consacrée aux arts dits « premiers ». Celle-ci pose une question simple et pourtant complexe : qu’ont de primitif ces arts d’Afrique, d’Amérique ou d’Océanie ? Mis en parallèle avec les productions artisanales populaires occidentales – d’aucuns parlent, sous le prisme de l’art classique, d’art « non savant » –, ces artefacts relèvent à l’évidence d’intentions similaires. Les terres bretonnes de Daoulas, où rites païens et superstitions ont nourri la culture rurale, se prêtent parfaitement à cette réflexion.

« Vitalité »
En évitant la décontextualisation et l’esthétisation des pièces, Jean-Gérard Bosio et Jean-René Bourrel, commissaires de cette exposition, engagent une éclairante réflexion sur l’altérité. Sans grands discours, les œuvres dialoguent entre elles de manière féconde, révélant des parentés secrètes, dans l’esprit du « Musée imaginaire » d’André Malraux. Sculptures, masques, objets cérémoniels ou instruments de musique, aujourd’hui considérés comme de prestigieuses pièces de musée, sont en effet nés de préoccupations humaines ancestrales et universelles : célébrer ses ancêtres et ses dieux, se préparer à affronter la mort, mettre en scène l’organisation sociale… S’en dégage une « sensation profonde d’humanité » qui séduisit des artistes tels que Maurice de Vlaminck, ancien propriétaire de l’un des masques banda Baga (Guinée) exposé, puis Henri Matisse, Pablo Picasso, et d’autres qui se firent à leur tour collectionneurs. Ces objets exotiques influencèrent durablement leur perception de l’art. « La qualité la plus frappante des arts primitifs, écrira en 1941 Henry Moore, commune à tous, est leur intense vitalité. C’est quelque chose que les gens ont fait en réponse immédiate à la vie. » Leurs auteurs n’étaient pas pour autant dénués d’une conscience du beau. En témoigne cette étonnante statue cultuelle Nok (Nigeria) en terre cuite, figurant un personnage méditatif évoquant un penseur, prouesse à la fois technique et esthétique. Les formes de ces objets furent aussi une source d’inspiration directe pour les artistes modernes. Une filiforme statuette de femme Mumuye en fer (Nigeria) entretient ainsi une troublante ressemblance avec les sculptures d’Alberto Giacometti.

PRIMITIFS ?

Jusqu’au 18 novembre, abbaye de Daoulas, 21, rue de l’Église, 29460 Daoulas, tél. 02 98 25 84 39, tlj, 13h30-18h30, www. abbaye-daoulas.com Catalogue, éd. EPCC-Abbaye de Daoulas/éd. Sépia, 2007, 192 p., 37 euros.

PRIMITIFS ?

- Commissaires de l’exposition : Jean-Gérard Bosio et Jean-René Bourrel - Scénographie : Jérôme Habersetzer

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°265 du 21 septembre 2007, avec le titre suivant : De l’universalité

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque