La sculpture médiévale recherchée

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 4 octobre 2007 - 918 mots

Secteur traditionnel dans les plus grandes foires et salons européens, l’art de la Haute Époque est porté par le rayonnement de sa statuaire, jusqu’en ventes publiques.

Les arts de la Haute Époque dont la statuaire romane et gothique constitue l’un des aspects les plus séduisants du marché, tient depuis longtemps une bonne place dans les grandes foires européennes, à commencer par Tefaf Maastricht. Celle-ci attire une clientèle du nord de l’Europe très collectionneuse. La Biennale des Antiquaires de Paris, la foire bruxelloise Tour & Taxis ainsi que le Salon du collectionneur à Paris ont aussi leur section médiévale pour un public mi-institutionnel mi-privé. La galerie parisienne Ratton-Ladrière, le seul exposant français de la spécialité au Salon du collectionneur du 15 au 23 septembre aux côtés de confrères belge, flamand et madrilène, y présentera notamment une rare Vierge à l’Enfant romane du XIIe siècle. Conservateurs et collectionneurs en déplacement pour l’occasion passeront également par les incontournables professionnels du Quai Voltaire à Paris, à savoir les galeries Bresset, Jacqueline Boccador et Brimo de Laroussilhe, ou encore chez Gabrielle Laroche, autre antiquaire spécialisée du quartier. La galerie Brimo de Laroussilhe dispose par exemple d’une importante sculpture romane italienne de la première moitié du XIIIe siècle représentant Joseph d’Arimathie. Elle a appartenu au collectionneur éclectique Adolphe Stoclet qui « aimait mélanger les genres », précise la directrice de la galerie, Marie-Amélie Carlier. Cette dernière précise que dans sa spécialité, elle travaille « à 70% avec des institutions. Et pour ce qui est de la collection privée, la Haute Époque reste un domaine qui nécessite beaucoup de connaissances, loin de l’ordre du paraître. » Cette clientèle internationale se renouvelle peu, nonobstant un certain intérêt d’amateurs d’art moderne et d’arts primitifs pour la sculpture romane. De plus, les objets en liberté se raréfient. Ce marché est donc étroit mais stable.

Statuaire médiévale
Chez les maisons de ventes anglo-saxonnes, quand elle ne fait pas partie des ventes de fonds de château, la statuaire médiévale est présentée lors de vacations généralistes dédiées à la sculpture européenne. Celles-ci sont organisées régulièrement à Londres. La prochaine est programmée pour le 5 décembre. En France, haut lieu de production de la sculpture romane et gothique, il est relativement difficile de réunir assez de lots pour monter une vente complète de Haute Époque en incluant la statuaire, le mobilier et les objets d’art. Néanmoins, la maison Piasa s’est lancée sur ce créneau. Son premier essai a été couronné de succès le 16 mars 2007 à Drouot. La vedette de la vente est revenue à un exceptionnel Christ rhéno-mosan du début du XIVe siècle, en noyer, de près de 2 mètres, estimé 50 000 euros et adjugé 367 000 euros à un particulier belge. C’est au rythme de deux vacations annuelles que Piasa souhaite maintenir ce rendez-vous. Le prochain est programmé le 17 octobre avec pour lot phare un Saint Jean-Baptiste en pierre calcaire polychromée de la première moitié du XVe siècle, estimé plus de 35 000 euros. La maison Pierre Bergé & Associés, désormais bien ancrée à Bruxelles, qui est en relation avec de nombreux amateurs nord européens d’objets d’art médiévaux, a prévu de développer une section Haute Époque dans ses ventes de mobilier, et ce dès le 20 novembre. La SVV Tajan qui a une longue tradition dans ce secteur, organisera quant à elle une vente de Haute Époque le 21 novembre, à Drouot. On y trouvera par exemple une Vierge à l’enfant lorraine du XIVe siècle, en pierre sculptée avec des restes de polychromie, de 1,20 mètre de hauteur. Elle est estimée 15 000 euros. Les sculptures gothiques du XIIIe siècle étant extrêmement rares sur le marché, les amateurs se tournent vers les belles pièces du XIVe qui peuvent largement dépasser les 100 000 euros en fonction de leur état, de leur taille et de la qualité d’exécution. Pour une œuvre de qualité moyenne, les amateurs préfèrent une vierge à l’enfant, un sujet plaisant et majestueux. Dans le domaine de l’art roman très tôt d’époque, plus rare encore, on assiste à des décrochements de prix spectaculaires pour les pièces de plus de 60 cm.

Saint Jean-Baptiste par l’école slutérienne

Cette sculpture (ill. ci-contre) vraisemblablement du nord de la Bourgogne ou du sud de la Champagne est indéniablement marquée par l’école slutérienne. Elle apparaît en bon état, ayant conservé une importante partie de sa polychromie d’origine. Rares sont les pièces de cette époque si bien conservées. Le visage de Jean-Baptiste, aux pommettes très saillantes et aux yeux baissés, est figé dans une expression assez réaliste qui correspond à la belle période du gothique. Deux mèches de cheveux sur le haut du front de forme bombée sont caractéristiques de la statuaire gothique de la 1re moitié du XVe siècle. À la fois l’attitude un peu hiératique du sujet et son allure ascétique signent un retour à une certaine sobriété qui s’accorde avec la personnalité du prophète. Le saint porte de sa main gauche le livre des Saintes Écritures sur lequel est couché un agneau dans un traitement un peu naïf. Cet agneau, l’emblème de saint Jean-Baptiste, est présenté la tête relevée et les pattes croisées, dans une attitude qui apporte un peu de douceur à la sévérité du personnage. Il s’agit d’un saint très invoqué dans l’école bourguignonne. Par sa provenance (l’ancienne collection Bresset), sa taille importante, l’étendue de sa polychromie, son état de conservation et sa qualité d’exécution, notamment au niveau du visage, il réunit tous les critères d’un objet de grande collection. Il sera l’un des lots phares de la vente de Haute Époque du 17 octobre organisée par Piasa à Drouot, sur une estimation qui devrait largement dépasser les 35 000 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°264 du 7 septembre 2007, avec le titre suivant : La sculpture médiévale recherchée

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