Tajan

Coup d’éclat pour la collection Levy

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 22 octobre 2004 - 786 mots

La collection du marchand new-yorkais Julien Levy a réussi à attirer de nombreux enchérisseurs américains qui ont fait le voyage à Paris. Et le succès a été au rendez-vous.

PARIS - Rodica Seward, la nouvelle propriétaire de la maison Tajan, signe avec la vente Julien Levy sa première grande victoire. La vacation-fleuve qui recensait les 874 lots issus de la collection du marchand introducteur du surréalisme aux États-Unis,  a frappé fort. D’abord parce qu’il a fallu importer cet ensemble du continent américain (ce qui a impressionné plus d’un professionnel), ensuite parce qu’à l’issue de la vente 81 % des lots ont été vendus pour un total de plus de 7,5 millions d’euros, chiffre qui vient supplanter les 6 millions attendus. Plusieurs acheteurs étrangers avaient fait le voyage pour enchérir en direct. Ils étaient une quinzaine de marchands, courtiers et collectionneurs américains à occuper les trois premiers rangs en pole position, notamment les galeries Krugier, Salander-O’Reilly et le collectionneur et ex-marchand milanais Arturo Schwarz, acheteur donateur pour le musée d’Israël. « Je n’ai jamais vu autant d’Américains dans une vente en France », nous a déclaré François Tajan, qui devait aussi jongler avec les mises de collectionneurs appelant du bout du monde, à l’instar d’un milliardaire d’Hawaï, ou d’acheteurs du Mexique…

La première vente a démarré avec la préemption (1) par le Centre Pompidou d’une gouache surréaliste sur papier de Herbert Bayer datée de 1930 (lot 1) ; l’institution a également soufflé au marché le lot 34, le plus beau dessin de Gorky, ce qui a un peu déstabilisé la salle. La vraie bataille d’enchères a débuté au lot 35 avec la première des deux toiles de Gorky, The Pirate I (1942). Toutes griffes dehors, fusillant du regard tout surenchérisseur, pestant à chaque nouvelle mise, les trois marchands de l’enseigne new-yorkaise Salander-O’Reilly ont remporté la bataille à 1,7 million d’euros au marteau contre une estimation de 1,4 à 1,6 million d’euros. Ils ont décroché la seconde toile de Gorky, The Pirate II (1943) avec plus de facilité pour 1 million d’euros au marteau, légèrement sous la barre de l’estimation basse de 1,1 million d’euros, et ont laissé les dessins suivants à leurs compétiteurs présents dans la salle. Un Américain, conseil pour des musées et des fonds d’investissement, pancarte levée en permanence sur trois lots tout en hurlant : « Let’s go François ! », histoire de casser rapidement les enchères en sa faveur, s’est vu réprimander par le commissaire-priseur. Il a fini par emporter trois dessins au crayon de Gorky pour environ 200 000 euros, le double des estimations. Les artistes largement représentés dans la vente ont bien tenu la route, à commencer par les cinq objets signés Man Ray et la vingtaine de Duchamp, qui ont réalisé des prix honorables. « Les pièces conceptuelles, pas toujours faciles à vendre, ont trouvé amateurs. C’est la première fois qu’on en comptait autant dans une vente », souligne le commissaire-priseur.

Hommage au marchand
Pour les Leon Kelly (près de 100 lots partis pour la plupart aux États-Unis), Eugène Berman (environ 70 lots) et Howard Warshaw (une soixantaine de lots) que le marché découvrait à la vente, le manque de référence et de prix n’a pas influé sur les résultats. Les amateurs ont enchéri sur les plus belles œuvres : 19 855 euros ont récompensé le plus intéressant tableau d’Eugène Berman, La Petite Fortune (1942), plutôt attendu autour des 9 000 euros, et 10 830 euros ont été déboursés pour les Choreographic Flowers (1945), par Warshaw. Forze Siderali (1932), une peinture à l’huile et collage sur bois d’Enrico Prampolini, qui était visée par le marché italien, est partie pour 43 320 euros tandis que quatre gouaches et aquarelles de l’artiste cubain René Portocarrero ont été emportées sur de vigoureuses enchères compatriotes. « Elles étaient authentiques (tant de faux circulent) et avaient toutes été exposées au musée de San Francisco », commente Marcel Fleiss, l’expert de la vente. Le portrait de Julien Levy, Mai 1968 par Erró (en couverture du catalogue) a rendu, avec 68 589 euros, un hommage appuyé au marchand américain. Jusqu’au dernier jour, les enchères ont été soutenues y compris pour les catalogues d’exposition de la galerie Julien Levy à New York (la plupart du temps des livrets de deux feuillets maximum), qui se sont vendus facilement. Marcel Fleiss s’est réjoui du succès de la vente, regrettant seulement une dizaine d’invendus pour Feininger. Il a aussi déploré qu’« aucune institution ne [ne se soit] réveillée pour le portrait de Gertrude Stein (1936) par Tal Coat, ravalé sous la barre des 20 000 euros ». Dans un second semestre parisien un peu morne, la maison Tajan vient de marquer un joli coup.

(1) Droit prioritaire d’acheter de l’État français.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°201 du 22 octobre 2004, avec le titre suivant : Coup d’éclat pour la collection Levy

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