Enrichissement du patrimoine

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 22 octobre 2004 - 717 mots

Avec le plus gros budget d’acquisition et son armée de conservateurs, le Centre Pompidou/Musée national d’art moderne est le premier de ce classement, et de loin. Orsay et Versailles complètent le podium

Ce classement fait naturellement la part belle aux grands établissements parisiens ou de province, principalement des musées de beaux-arts. Le Musée du Louvre, qu’on imaginerait plus volontiers en tête avec ses 62 conservateurs, n’arrive qu’au 6e rang pour n’avoir pas communiqué son budget d’acquisition. La liste n’offre globalement pas beaucoup de surprises si ce n’est la présence en 17e position, ex æquo avec le Musée Rodin, du Musée Suffren-et-du-Vieux-Saint-Cannat (Bouches-du-Rhône), structure associative tournée vers les arts et traditions populaires, dotée d’un budget d’acquisition de 1 246 euros. Un rang étonnant qu’expliquent les onze expositions annuelles épousant le rythme des fêtes régionales ou du Printemps des musées !
En toute logique, l’achat d’œuvres et l’étude des collections sont principalement développés dans les grandes institutions patrimoniales, qui disposent d’un budget et d’un personnel relativement étoffés. Faute de pouvoir se consacrer pleinement à l’enrichissement ou à l’étude, les petits établissements misent sur la diffusion des collections avec un rythme d’expositions étonnamment dynamique malgré le faible nombre de conservateurs ou d’attachés de conservation. Le Musée d’Orsay, et son écurie de quinze conservateurs, n’organise que huit expositions, soit autant que le Musée Condé de Chantilly avec seulement deux conservateurs. Les sept expositions, dont deux expositions-dossiers, du capcMusée d’art contemporain, à Bordeaux, lui permettent de figurer en 10e position, un remarquable résultat malgré la suppression depuis quatre ans du budget d’acquisition par la mairie dirigée par Alain Juppé.
L’exposition peut être prétexte et support à un travail scientifique. C’est le cas pour le Musée Condé à Chantilly (en 13e position) dont les huit expositions, souvent dossiers, donnent systématiquement lieu à des publications. Chaque année, une ou deux manifestations se calent sur la locomotive de la Réunion des musées nationaux (RMN) ou de l’Association française d’action artistique (AFAA). Un tel jumelage offre une opportunité de communication groupée avec d’autres musées. Il pousse aussi les autres établissements à prêter main-forte au travail scientifique du Musée Condé. Étant donné le faible nombre de conservateurs « maison » (deux pour le musée, deux pour la bibliothèque), les recherches documentaires et le travail d’écriture se font souvent avec l’appui d’autres établissements nationaux. Le catalogue de l’exposition « De l’Égypte à Pompéi : le cabinet d’antiques du duc d’Aumale à Chantilly » (2002) a été publié grâce aux lumières du département des Antiquités grecques et romaines du Musée du Louvre. « Abd el-Kader et l’Algérie au XIXe siècle », manifestation inscrite dans l’Année de l’Algérie, a bénéficié du soutien intellectuel du Musée des arts d’Afrique et d’Océanie et de l’École des hautes études en sciences sociales. Pour combler la faiblesse du personnel dévolu à la collection, les musées ont parfois recours à des solutions de fortune. Au capc, l’attachée de conservation affectée à l’étude des collections pourra prochainement bénéficier, dans le cadre d’une convention avec l’université de Bordeaux, de l’arrivée d’étudiants thésards.

Synergies non évidentes
La mise en réseau de compétences n’est toutefois pas toujours évidente, notamment dans le cas des musées hyperspécialisés. Le musée du dessin et de l’estampe originale de Gravelines (Nord), au 22e rang du classement, organise cinq expositions annuelles, dont deux dossiers, parfois en synergie avec la programmation du Musée des beaux-arts de Dunkerque. Le travail scientifique ne se fait pas pour autant en commun. « Pour l’exposition Zao Wou-ki, cette année, nous avons fait un catalogue commun avec Dunkerque, mais pour Arroyo, il n’y avait pas de cohésion entre les deux manifestations. Il est probable qu’à l’avenir nous ferons de moins en moins d’expositions ou alors sans catalogue important sur le plan scientifique », explique Dominique Tonneau, unique conservateur du musée. Le besoin en personnel d’étude est aussi aigu dans les structures généralistes comme le Musée de l’Hospice-Saint-Roch, à Issoudun (Indre), dont la collection brasse aussi bien l’apothicairerie que l’art contemporain. « Pour faire une bonne étude d’une collection, il faudrait qu’une personne y consacre 60 % de son temps, observe Sophie Cazé, directrice de ce dernier musée. Somme toute, nous ne sommes pas sortis d’une certaine réflexion qui date des années 1970 où l’on parlait d’espaces de diffusion et non de musée. Il va peut-être falloir se poser des questions… »

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°201 du 22 octobre 2004, avec le titre suivant : Enrichissement du patrimoine

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