Livre - Photographie

Alexis Fabry : « Je me suis vite habitué à acheter des livres »

Par Patrick Rémy · Le Journal des Arts

Le 5 novembre 2004 - 947 mots

Alexis Fabry est un passionné de livres de photographie, tellement passionné qu’il a déjà créé deux maisons d’édition : Coromandel Express, en 1996, et aujourd’hui Toluca, qui vient d’éditer un livre de Thomas Ruff. Des éditions rares, recherchées, d’une qualité irréprochable.

Comment la passion arrive-t-elle ?
Au départ, je collectionnais des éditions originales de littérature du XXe siècle. Puis, avec deux amis, Céline Fribourg et Grégory Leroy-Coromandel, nous avons créé les éditions Coromandel, auxquelles nous désirions associer des artistes contemporains et des écrivains. Alors que je faisais ma coopération au Mexique, j’ai rencontré la photographe Graciela Iturbide, et puis William Klein à Paris… Ensuite, nous avons décidé de continuer avec la photographie, mais à l’époque je n’avais aucune culture photo ! Je me suis vite documenté, habitué à acheter des livres, je me suis vite constitué une bibliothèque.

Quels ont été vos premiers achats ?
J’ai commencé à acheter des livres importants, à des prix élevés et pas nécessairement d’une grande
visibilité. Des livres à 4 000, 5 000 francs chez Jean-Loup Couturier comme Dave Heath, Dialogue with Solitude, ou The Sweet Flypaper of Life, de Roy DeCavara, Carnival Strippers de Susan Meiselas ou William Eggleston’s Guide. Des livres qui n’étaient pas encore à la mode. Mais tous sont pour moi des livres périphériques, j’ai mis longtemps à acheter des livres majeurs comme Les Américains de Robert Frank ou New York de William Klein. Ce qui m’a guidé également dans mes priorités d’achat, c’est de rencontrer l’artiste. J’ai donc acheté tous les livres de Christer Strömholm avant de faire un livre avec lui, même chose pour Mary Ellen Mark ou Susan Meiselas.

Avez-vous un budget ?
Non, j’achète quand j’ai de l’argent.

Quel est le livre le plus cher que vous ayez jamais acheté ?
C’est une question que je ne me suis jamais posée… Je n’ai jamais été au-delà de 1 500 euros.

Quels sont les axes de votre collection ?
Les Américains d’abord : c’est indépassable… Je n’achète rien, à de très rares exceptions, avant Les Américains  (1958) et New York  (1956). Je collectionne donc Bruce Davidson, Robert D’Allesandro, Eugene Richards et tous les grands coloristes comme William Eggleston, Stephen Shore, Joel Meyerowitz ou Philip-Lorca diCorcia.
Les coloristes anglais : Paul Graham, Chris Steel-Perkins, Martin Parr, Tom Wood, Nick Waplington, Richard Billingham…, les Allemands à la suite des Becher et de Michael Schmidt. Les Européens comme Luigi Ghirri, Anders Petersen, Ed van der Elsken, Sanne Sannes, Gerard Fieret ou Guilia Pirelli et Carlo Orsi. Enfin, je m’intéresse à l’avant-garde mexicaine des années 1920-1930, qui compte dans ses rangs quelques photographes. Parmi les Mexicains, je citerai surtout Nacho Lopez, qui a produit l’équivalent du New York de Klein sur Mexico.

Vous avez aussi une collection importante de tirages...
J’essaye de faire en sorte que cette collection de tirages soit consubstantielle à la collection de livres. À partir du livre, je découvre un auteur, et cela va me guider dans ma quête de tirages. Ce qui n’est pas facile car de nombreux auteurs que j’aime ne sont pas vraiment sur le marché.

Avec quels libraires entretenez-vous des rapports ?
J’ai beaucoup acheté et appris avec Jean-Loup Couturier. Maintenant, je me fournis quasi exclusivement chez Antoine de Beaupré (Librairie 213), c’est lui qui m’a fait découvrir la photographie allemande. J’ai aussi énormément appris avec Alain Sinibaldi, qui m’a beaucoup sensibilisé à l’état du livre. Et à New York, je vais chez Ursus Books.

Et Internet ?
C’est sans doute le meilleur moyen d’acheter, mais je suis très maniaque quant à l’état, et j’ai souvent de mauvaises surprises. Je préfère payer plus cher et être sûr de l’état !

Avez-vous une prédilection pour les tirages de tête ?
J’essaye toujours d’avoir ce qu’il y a de mieux ! Mais quand il n’y a qu’une couverture soft, j’adore aussi !

La plupart de vos livres sont dédicacés ; quel sens cela a-t-il pour vous ?
J’ai un fétichisme sentimental : je trouve intéressant de faire dédicacer des livres, en partie pour le plaisir que j’aurai à me souvenir du moment où j’ai rencontré l’artiste.

Vendez-vous des livres ?
Parfois je me lasse de certains , ou je ne les trouve plus terribles, alors je vends. Et cela m’est arrivé pour des raisons économiques. J’ai ainsi vendu un ouvrage d’Álvarez-Bravo qui me tenait à cœur, le catalogue de l’exposition au Musée d’art moderne de Mexico (1945) avec trois tirages d’époque, ceci pour payer, en partie, mon appartement. Aujourd’hui, le livre vaut environ 80 000 euros !

Quel est le livre que vous cherchez toujours, en vain ?
Un livre portugais : Lisboa, Cidade Triste e Alegre, de Costa Martins et Victor Palla. Introuvable, je l’ai découvert chez un autre collectionneur !

Quelques adresses

- Temps de pose (Jean-Loup Couturier) sur rdv uniquement : 01 34 78 37 78 ou 06 08 80 11 11, e-mail : tempose@club-internet.fr

- Tissato Nakahara, sur rdv uniquement, e-mail : chisato@free.fr. Stand Ed 4 dans le foyer à Paris Photo.

- Alexis Fabry/Toluca, 61, rue Charlot, 75003 Paris, tél. 01 42 72 65 76, e-mail : alexistoluca@wanadoo.fr. Stand B11 à Paris Photo.

- Antoine de Beaupré/Galerie 213, 58, rue Charlot, 75003 Paris, tél. 01 43 22 83 23, e-mail : galerie.213@wanadoo.fr. Stand D7 à Paris Photo.

- Le Comptoir de l’Image, 44, rue de Sévigné, 75003 Paris, tél. 01 42 72 03 92.

- Markus Schaden, Burgmauer 10, Cologne, tél. 49 221 92 52 667, www.schaden.com. À Paris Photo dans le foyer.

- Roth Horowitz, 160A East 70th Street, New York, tél. 1 212 717 90 67, e-mail : info@rothhorowitz.com

- Ursus Books, 981 Madison Avenue, New York, tél. 1 212 772 87 87, www.ur susbooks.com

Bibliographie

- Martin Parr, Gerry Badger, The Photobook: A History, volume I, éd. Phaidon, 320 pages, environ 850 illustrations couleur et noir et blanc, 75 euros, 2004. La version française ainsi que le volume II paraitront au printemps 2005.

- Andrew Roth, The Book of 101 books. Seminal Photographic Books of the Twentieth Century. PPP Editions/Roth Horowitz, 2001.

- La Photographie et le livre, sous la direction de Michelle Debat, éd. Trans Photographic Press, Paris, 2003.

- Les éditions Toluca publient un livre sur les intérieurs de Thomas Ruff avec un texte de Paul Nizon, dans un boîtier signé Jasper Morrison, tirage : 40 exemplaires. Parution également, fin novembre, de Mexico, vue par une trentaine d’artistes, un ouvrage qui inaugure une série de livres sur les villes. Déjà sorti : Naturata, par Graciela Iturbide.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°202 du 5 novembre 2004, avec le titre suivant : Alexis Fabry

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