Archéologie

Ougarit de A à Z

Le Journal des Arts

Le 19 novembre 2004 - 613 mots

Le Musée des beaux-arts de Lyon revient sur les fouilles de Ras Shamra-Ougarit,
l’antique royaume d’Ougarit qui utilisait un alphabet duquel dérivent le grec et le latin.

 LYON - Le Musée des beaux-arts de Lyon fête cet automne les soixante-quinze ans de fouilles du site de Ras Shamra-Ougarit, mission devenue franco-syrienne en 1998. Tout a commencé en 1928 dans la baie de Minet El-Beida, sur la cote syrienne, lorsqu’un paysan labourant son champ heurte des dalles. Dès 1929, Claude F.-A. Schaeffer est chargé de diriger les fouilles (la Syrie est alors sous mandat français) à l’intérieur des terres et à moins d’un kilomètre du premier site, à Ras Shamra. Quel a été l’apport de cette découverte dans le paysage de l’archéologie méditerranéenne ? Tout d’abord, Ras Shamra a très rapidement été identifiée comme l’antique ville d’Ougarit, maintes fois citée dans les archives royales de Tell El-Amarna, capitale d’Aménophis IV, et d’Hattousha, capitale hittite. C’est aussi dans l’univers de la civilisation « cananéenne » que la Bible prend racine. Enfin, ces fouilles vont donner lieu à un véritable événement, la découverte d’une langue inconnue, l’ougaritique, utilisant un système graphique cunéiforme et un alphabet d’où dérivent les alphabets grecs et latins. Trois hommes en ont percé le secret : Charles Virolleaud, Hans Bauer et Édouard Dhorme, en identifiant 30 signes proches des 29 qui composeront l’arabe. La lecture se fait d’ailleurs de droite à gauche. La découverte en 1939 d’un abécédaire confirme les travaux de ces scientifiques.
Stratégiquement, le royaume d’Ougarit constitue une plaque tournante du commerce international, assurant les échanges en Méditerranée orientale entre l’Égypte, l’Anatolie, la Mésopotamie et le monde égéen, une position particulièrement convoitée par ses voisins. Le site a été occupé dès le Néolithique, mais la période la mieux documentée apparaît comme celle du bronze récent (XIVe-XIIIe siècles avant Jésus-Christ), avec un nombre considérable de tablettes d’argile et de céramiques.

Royaume méconnu
L’exposition, rendue possible grâce à une coopération active entre Lyon, Paris et la Syrie, suit un découpage thématique, offrant une vision complète des composantes de la culture ougaritaine : des relations internationales au Palais royal, des objets utilitaires à l’artisanat et au commerce, des cultes et croyances à la magie, la divination et la musique. Des pièces exceptionnelles ont pu être réunies – parmi lesquelles la stèle de Baal au foudre (Louvre), des ivoires des musées de Damas et du Louvre, et, en provenance d’Alep et de Lattaquié : une stèle du dieu El, une hache d’apparat, une coupe en or et une statue du dieu El. Mais certains ivoires précieux du Musée de Damas, qui n’ont pas été prêtés pour cause de fragilité, auraient donné plus d’ampleur et de résonance au faste qui pouvait régner à la cour royale et dans cette cité productrice de nombreux objets de luxe. Si une lecture de textes poétiques et une interprétation de « partition » musicale nous rapprochent de la vie quotidienne, une vidéo aurait été bienvenue pour offrir une remise en contexte du site et des commentaires des archéologues, et pour redonner vie aux objets. Cette exposition événement donne néanmoins un coup de projecteur sur un royaume méconnu, qui s’est éteint brutalement à la fin du XIIIe siècle avant J.-C. L’hypothèse avancée reste celle de l’invasion des « peuples de la mer », lesquels sont eux-mêmes mal identifiés.

Le royaume d’Ougarit, aux origines de l’alphabet

Jusqu’au 17 janvier 2005, Musée des beaux-arts, 20, place des Terreaux, 69001 Lyon, tél. 04 72 10 17 40, tlj sauf mardi et jours fériés 10h-18h, vendredi 10h30-20h. Catalogue, Éditions d’art Somogy, 304 pages, 39 euros, ISBN 2-85056-758-X ; et aussi, Ougarit, la terre, le ciel, éditions La Part des Andes, 128 pages, 17 euros, ISBN 2-912882-14-1

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°203 du 19 novembre 2004, avec le titre suivant : Ougarit de A à Z

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