Musée privé

Paradis perdu

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 17 décembre 2004 - 437 mots

Promise à un bel avenir, la très médiatique Pinacothèque de Paris ne s’ouvrira certainement pas rue de Paradis.

PARIS - « Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. » Marc Restellini aurait peut-être dû méditer ce vieil adage avant de se lancer dans la création de la Pinacothèque de Paris, cet établissement qu’il avait conçu comme « un lieu privé, géré de manière privée » et dont les expositions se devaient avant tout d’être « rentables », selon ses propres termes.
Installée rue de Paradis, au cœur du 10e arrondissement de Paris, dans l’ancien musée et boutique Baccarat, la Pinacothèque de Paris avait été inaugurée en grandes pompes en novembre 2003 avec une manifestation sur la collection de Jacqueline Roque (lire le JdA n° 184, 9 janvier 2004). Quatre vingt neuf œuvres avaient été présentées, la plupart inédites en France. Pour le moins tape-à-l’œil, l’événement avait attiré 180 000 visiteurs en cinq mois (soit 1 200 par jour), lui assurant sans conteste un succès financier et le plaçant dans la droite ligne des expositions déjà organisées sous la direction artistique de  Marc Restellini au Musée du Luxembourg, de 2000 à 2003. Dès la fin de l’exposition, en mars 2004, de grands travaux d’aménagement étaient censés démarrer pour une ouverture définitive de la Pinacothèque début 2005. L’opération aurait alors permis de déployer sur 4 000 mètres carrés des ensembles privés déposés à long terme, et de grandes expositions consacrées à Klimt, Munch, Soutine, voire Monet et Renoir.

Un lieu virtuel déjà rentable
Or aucune manifestation de ce type n’est annoncée pour 2005, et, de surcroît, rien n’a bougé dans l’ancienne fabrique de la rue de Paradis. Pour devenir propriétaire des locaux de Baccarat, la Pinacothèque devait verser régulièrement à la célèbre cristallerie le loyer d’une location-vente. À cet effet, Marc Restellini avait fait appel à des financiers suisses et hollandais, lesquels auraient finalement abandonné l’aventure… Selon nos informations, le contrat de location-vente serait sur le point d’être résilié. Marc Restellini, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions, chercherait d’ores et déjà un autre endroit pour mener à bien son projet de musée privé. Lâché par ses partenaires financiers, il sillonnerait actuellement le monde à la recherche d’expositions « qui rapportent », afin de récolter des fonds… pour créer la Pinacothèque, un lieu virtuel qu’il présente déjà comme un établissement rentable ! Cet épisode montre en tout cas que la culture n’est pas une marchandise comme les autres. Les logiques purement comptables ne sont pas les plus appropriées quand il s’agit de déterminer le bien-fondé de la création d’un musée privé.

www.pinacotheque.com 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°205 du 17 décembre 2004, avec le titre suivant : Paradis perdu

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