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L’art contemporain peine à Paris

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 17 décembre 2004 - 851 mots

Les ventes parisiennes d’art contemporain n’ont proposé qu’un ensemble d’œuvres moyennes. Dans la vente César, seuls 7 lots ont été adjugés sur 23.

 PARIS - « Paris, c’est la campagne pour ne pas dire l’Afrique. Revenir ici après trois semaines à New York, c’est prendre un coup de vieux », commentait le marchand Pierre Nahon au sortir de la vente d’art contemporain d’Artcurial le 7 décembre. Face aux cliquetis des records new-yorkais, les trois ventes parisiennes d’art contemporain de novembre et décembre ont fait pâle figure. La pioche n’était, il est vrai, pas miraculeuse. Comme toujours, les résultats sont bien éloignés ne serait-ce que d’une afternoon sale de Christie’s totalisant 19,8 millions de dollars (14,5 millions d’euros) en novembre. À titre comparatif, les chiffres d’affaires en art contemporain d’Artcurial et Tajan pour l’année 2004 sont respectivement de 9 et 4,1 millions d’euros.
Malgré des produits honorables, la plupart des supposées grandes pièces n’ont pas trouvé preneur. Chez Tajan, qui a totalisé 2,2 millions d’euros le 30 novembre, le grand Franz Kline importé des États-Unis (est. 600 000-700 000 euros) est resté sur la touche. Cette toile un peu ingrate, peinte tôt dans la carrière de l’artiste, était aussi trop chèrement estimée. Le grand Adam et Ève de Niki de Saint Phalle (est. 300 000-350 000 euros) n’a pas eu plus de succès, alors que la monumentale Danseuse rose de la vente Nahon avait été adjugée 411 200 euros en juillet 2004 chez Sotheby’s. « C’était une vente sans surprise, tout ce qu’on devait vendre, on l’a bien vendu. Par rapport aux maisons étrangères, on tient la route », insiste pourtant Julie Ceccaldi du département Art contemporain.
Christie’s faisait profil bas le 2 décembre avec 1,9 million d’euros, contre 2,4 millions le 26 mai pour sa première vente généraliste. La peinture de Pierre Soulages en couverture du catalogue (180 000-220 000 euros) et le papier marouflé de Jean Fautrier (80 000-120 000 euros) sont restés sur le carreau. Chez Artcurial, qui a engrangé 2,1 millions d’euros le 7 décembre (1), Airplane de Roy Lichtenstein, adjugé 4 millions de francs en 1999, n’a pas décollé de sa mise à prix. De même, un tableau de la série Canada de Joan Mitchell, une œuvre peu accorte qui ne soutenait pas la comparaison avec le King of Spades adjugé 2,6 millions de dollars chez Sotheby’s en novembre, est resté invendu. Son estimation de 300 000-400 000 euros avait été bien trop audacieuse. Le couperet fut sec pour la série inégale des César provenant de la succession. Seules sept sculptures sur les vingt-trois proposées ont trouvé preneur, en dessous de l’estimation basse. La Galerie du XXe siècle (Paris) a toutefois déboursé 185 867 euros pour une grande plaque à ailettes de 1965. « Les premières pièces de la sélection, celles des autoportraits de César, sont d’une manière générale difficiles à vendre. Les collectionneurs ont aussi envie de pièces nouvelles qui ne sont pas dans leur collection », remarque le commissaire-priseur Francis Briest.
Le marché peine à absorber le trop-plein d’œuvres, parfois moyennes ou répétitives, de la seconde école de Paris, déversées en masse depuis la succession Olga Carré en 2002. Les deux œuvres de Serge Poliakoff proposées par Christie’s et Artcurial sont ainsi restées en rade. Sur les cinq pièces de Poliakoff que présentait pour sa part Tajan, deux ont trouvé preneur. Une belle composition abstraite gris monochrome, que l’on avait vue sur la FIAC en 2003 et à la foire de Moscou en juin 2004, s’est même vendue pour 178 106 euros. De quoi réjouir mais aussi énerver les marchands qui avaient tenté de la vendre sur les salons ! La surprise est venue d’une huile sur papier de l’artiste, adjugée 191 553 euros chez Calmels-Cohen le 6 décembre.
Une fois n’est pas coutume, l’art plus contemporain et international a mieux tiré son épingle du jeu. Christian Boltanski s’en sort avec l’enchère honorable de 30 550 euros pour Monument chez Christie’s. « On a tiré les enseignements de la vente. Nous séparerons à l’avenir le moderne du contemporain en deux ventes distinctes », remarque Caroline Smulders, responsable du département Art contemporain de Christie’s France. Chez Tajan, une huile lumineuse de Miguel Barceló a obtenu 189 541 euros tandis que le Gemeentemuseum de La Haye a emporté pour 104 000 euros le Vecchio bisonte della savanna (1979) de Mario Merz en couverture du catalogue. Un Détail de Roman Opalka a grimpé à 132 126 euros au téléphone, dépassant d’une bonne tête son estimation haute chez Artcurial. Il est toutefois surprenant que les best-sellers internationaux comme les photos de Gursky ou Ruff n’aient pas suscité d’intérêt. Les acheteurs étrangers étaient pourtant nombreux, de l’ordre de 60 % chez Tajan avec une forte participation italienne, près de 63 % chez Christie’s dont 20 % d’Américains. Les enchérisseurs des ventes parisiennes ne sont peut-être pas les mêmes que ceux qui écument les grandes foires ou les ventes new-yorkaises. Pour les maisons de ventes, tout est question de bonnes pièces et de bon réseau de clients.

(1) La « Part II » du 8 décembre a totalisé 603 743 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°205 du 17 décembre 2004, avec le titre suivant : L’art contemporain peine à Paris

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