Coutau-Bégarie

Del Duca ou les aléas du mobilier XVIIIe

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 17 décembre 2004 - 716 mots

Délaissant le gros mobilier, les acheteurs se sont focalisés sur les tableaux et les pièces décoratives de style.

 PARIS - La collection Simone Del Duca, qui devait donner le pouls du marché le 19 novembre à Drouot (SVV Coutau-Bégarie), a rapporté 3 millions d’euros, lesquels iront à la Fondation Del Duca pour la recherche scientifique et médicale. Une foule de professionnels, acheteurs ou observateurs, se pressaient pendant la vente dont les tableaux ont été finalement les vedettes. Dès les premières minutes, l’Allégorie de l’Air et du Feu, une huile sur panneau de Frans Francken et de l’atelier de Bruegel le Jeune, estimée 40 000-60 000 euros, s’est envolée à 314 530 euros. L’Entrée de l’ambassadeur de France, le comte de Gergy, au Palais Ducal de Venise, une très grande toile décorative de l’école vénitienne du début du XIXe siècle, estimée 80 000-100 000 euros, est montée à 145 351 euros ; deux toiles de Boldini, Songe d’une nuit d’été de 1897 et un portrait de l’actrice Alice Regnault de 1884, ont fait recette à respectivement à 479 960 et 369 330 euros sans pour autant atteindre leur estimation haute.
La panne est venue en deuxième partie de vente avec les pressentis lots phares de la vacation, c’est-à-dire trois pièces de mobilier XVIIIe. Le régulateur en marqueterie de bois de bout, orné d’une riche ornementation de bronze doré de style rocaille, estampillé Latz vers 1749, estimé 100 000-150 000 euros, n’a pas trouvé preneur. Puis, dans une atmosphère plombée, l’armoire en marqueterie attribuée à André Charles Boulle et très décriée par des professionnels a été adjugée à 310 000 euros, soit son estimation basse.

Ticket retour
Enfin, la palme d’or de l’achat loupé revient au vase couvert en porcelaine céladon de la Chine, formant pendule à cercle tournant, vers 1770-1780, estimé 100 000 à 120 000 euros : il a été vendu à un acheteur au téléphone pour 120 000 euros après que le commissaire-priseur eut poussé les enchères dans le vide, car il n’y avait pas un seul enchérisseur dans la salle à 100 000 euros. Ce procédé a révolté l’antiquaire de La Pendulerie, Christophe Guerin, qui a rappelé haut et fort que la pièce n’était pas bonne. « Le mouvement date au mieux du début du XIXe, confirme Pascal Izarn, un autre spécialiste de l’horlogerie. Et même si les bronzes étaient d’époque (ce que je ne peux affirmer), cela occasionne une sacrée décote. Quand j’ai vu cet objet aux Temps Forts de Drouot, j’ai fait part de mes observations sur le mécanisme à l’expert Roland Lepic. Je suis étonné qu’il n’ait émis aucune réserve au moment de la vente. » Un oubli qui pourra valoir au lot un  « ticket retour » si l’acheteur réagit. Quant à l’armoire dénigrée, elle a en tout cas fait un heureux, lequel a acheté en connaissance de cause. L’acquéreur Jean Gismondi croit même avoir fait une affaire. « Je n’ai mis qu’une enchère pour l’avoir. Si elle avait fait plus de 500 000 euros, je l’aurais laissée. En tout cas, c’est bien un meuble Boulle comme me l’a confirmé le grand restaurateur Michel Jamet qui l’a restaurée il y a quinze ans pour Mme Del Duca », se félicite l’antiquaire parisien, qui jubile à l’idée que la pièce soit exposée lors de la prochaine exposition Boulle à la Wallace Collection, à Londres. Trois experts internationaux tentent actuellement de déterminer si elle est de Boulle et son atelier ou de Boulle et ses fils. Puis ajoute : « Elle n’a pas la qualité de l’armoire du Louvre dont la marqueterie est sur fond d’écaille (celle-ci est sur fond d’ébène). Cette comparaison l’a sans doute desservie. Il y a trois ans, personne n’aurait laissé passer une telle pièce qui aurait pu monter à 800 000 euros. Mais aujourd’hui c’est la crise et les marchands, moins acheteurs, ne respectent pas toujours la marchandise qui leur échappe. Pour certains confrères, travaillant avec 90 % de collectionneurs américains, c’est même dramatique. Pourtant c’est le moment d’acheter. »
Pendant que le XVIIIe agonise, les pièces XIXe de grande décoration prospèrent à l’instar d’une suite de six très grandes appliques en bronze doré de 1,22 m à décor de draperie, ruban et guirlandes de fleurs, estimée 7 000 euros, qui s’est arrachée à 65 530 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°205 du 17 décembre 2004, avec le titre suivant : Del Duca ou les aléas du mobilier XVIIIe

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