Paroles d’artiste

Pascal Le Coq

Par Anaïd Demir · Le Journal des Arts

Le 17 décembre 2004 - 787 mots

A l’origine d’OXO depuis 1996, une revue expérimentale dont l’économie dépend directement du nombre d’abonnés, Pascal Le Coq (né en 1964) joue dans ses pages avec les mots, les images, les formes... avant de passer au grand format : celui de l’exposition. Entre graphisme et Oulipo, entre jeux formels, informatiques et sémantiques, l’artiste présente « Transmutations » à la galerie Lara Vincy, à Paris. Nous l’avons rencontré à cette occasion.

Pour « Transmutations », vous présentez d’étranges drapeaux. De quoi s’agit-il ?
Ce sont les « Lubies », des tableaux composés de morceaux de drapeaux. Je pars souvent d’un mot un peu ridicule tel que dinde ou yeti, puis j’essaye de trouver les syllabes de ces mots dans des noms de pays. Prenons pergola : je vais associer la première moitié du drapeau du Pérou et la deuxième moitié du drapeau de l’Angola. Cela donne une nouvelle forme visuelle. L’avantage de cette technique, c’est qu’elle permet des associations de formes et de couleurs que personne n’aurait sans doute osé imaginer autrement.

Que représente pour vous le drapeau ?
Pour moi, c’est plus une forme à fort impact visuel qu’un symbole. Au même titre qu’un logotype détourné ou qu’une image médiatique transformée. D’ailleurs ici le sujet n’est pas du tout le drapeau. Cela s’illustre bien avec Antalgique : il se trouve qu’en associant les drapeaux d’Andorre, de l’Italie et de la Belgique, on obtient le drapeau français. Une pure coïncidence. Ce que je voulais en fait, c’est qu’il y ait plusieurs niveaux de lecture. En découvrant les « Lubies », on peut avoir un plaisir purement visuel. Puis dans un second temps, on peut aller plus loin dans le jeu de construction, projeter ses fantasmes ou rapporter les formes à certains grands mouvements artistiques…

Qui sont ces demoiselles photographiées ?
« Les filles de Léonard ». Il s’agit de 60 artistes masculins qui ont été transformés en femmes par la technique de la retouche photo. C’est la rencontre entre la presse féminine et le livre d’art. J’ai utilisé des portraits d’artistes trouvés dans mes archives, et j’ai glané, dans les revues de ma sœur, les attributs féminins : boucles d’oreille, chevelures… Ensuite, il y a l’anagramme : les noms d’artistes sont recomposés pour obtenir des noms de femmes. J’ai « défiguré » les grandes figures de l’histoire de l’art, comme Kazimir Malevitch qui devient « Mariza Tchimiklev », mais aussi des personnages plus contemporains comme Philippe Perrin, Joël Ducorroy, Jean-Charles Blais ou Joseph Kosuth…

Vous exposez également des sculptures, les « Miss Erotica »...
C’est la troisième transmutation de l’exposition. Il s’agit de ballons qui sont ouverts, légèrement décousus et retournés comme une chaussette… et là, on voit apparaître une valve en érection. Ce qui est drôle, c’est qu’au départ on a un ballon de foot, c’est-à-dire un objet associé à la virilité. En le retournant, on obtient une sorte de plante d’intérieur, quelque chose de beaucoup plus féminin… mais, une fois retournée, cette valve devient parallèlement très phallique. On a donc en même temps le passage du masculin au féminin et vice versa… c’est une double transformation, un chiasme.

Vous semblez très influencé par l’Oulipo (l’Ouvroir de Littérature Potentielle)...
C’est vrai. Quand j’ai découvert l’œuvre de Georges Pérec, j’ai été complètement estomaqué.

Pourquoi l’exposition s’appelle-t-elle « Transmutations »...
À cause de toutes ces transformations, mais aussi parce que les œuvres d’art présentées aujourd’hui n’ont pas toujours été des œuvres. Au départ, dans OXO, les « Lubies » pouvaient être acquises en échange de nouveaux abonnés ; elles étaient en quelque sorte des objets au service de la revue. Maintenant qu’elles ont été transmutées en œuvres d’art, elles sont en vente à la galerie Lara Vincy.

Qu’est-ce qu’OXO ?
C’est en même temps une revue expérimentale, un atelier de création et une « Factory » sur papier. Comme dans l’Oulipo, j’y utilise une pléthore de procédés littéraires ou formels que j’associe à des technologies actuelles telles que la recherche sur Internet via Google. OXO, c’est aussi un palindrome. Le seul mot de la langue française qu’on peut lire dans tous les sens, y compris devant un miroir. Ça peut aussi se lire zéro fois zéro… Car cette revue est un projet très ambitieux qui peut retomber comme un soufflé s’il n’y a pas beaucoup d’abonnés. C’est en effet le nombre d’abonnements qui définit la pagination, la technique de fabrication et le tirage. Ce qui permet aussi d’avoir une garantie de survie minimale.

Aujourd’hui, combien d’abonnés ?
Ça monte et ça descend. Aujourd’hui, leur nombre est de 75.

Pascal Le Coq, Transmutations

Jusqu’au 22 janvier, galerie Lara Vincy, 47, rue de Seine, 75006 Paris, tél. 01 43 26 72 51, du mardi au samedi 11h-13h, 14h30-19h, le lundi 14h30-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°205 du 17 décembre 2004, avec le titre suivant : Pascal Le Coq

Tous les articles dans Création

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque