Reportage

Au plus près de Capa

Le Journal des Arts

Le 17 décembre 2004 - 526 mots

À la BNF, la proximité passionnée d’un photoreporter.

 PARIS - Robert Capa est certes très connu, mais la connaissance s’arrête souvent à cette célébrité et aux mythes iconiques créés par le « milicien républicain tué sur le front de Cordoue » et une ou deux photographies du Débarquement de 1944, ce qui assurément suffit à définir des grands standards du photojournalisme. La Bibliothèque nationale de France (BNF) a voulu aller plus loin dans le Capa inconnu en organisant la recherche autour de son propre fonds d’épreuves originales (don en 1941, acquisitions en 1964 et 1984), c’est-à-dire en intervenant dans un domaine, le reportage photographique, où on ne l’attendait pas, après Le Gray ou les albums photographiques de Napoléon III. La BNF n’est pas seulement riche en photographie ancienne et moderne, elle l’est aussi en photographie de presse, part la moins visible de sa collection jusqu’à maintenant, mais néanmoins prometteuse. Elle bénéficie ici, en outre, de l’important apport de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris et de quelques collections particulières, pour exposer un grand nombre de tirages originaux, généralement en très bon état.

Proximité maximale
Une première salle présente de nombreux portraits de Capa, grand séducteur et homme plein d’énergie – une belle gueule assurément (son aventure avec Ingrid Bergman fait partie de sa célébrité) –, ce qui n’est pas sans intérêt pour comprendre ses audaces, ses prises de risques (il était joueur comme son père), où il savait surpasser les autres. Malgré une entorse à la chronologie qui place le voyage en Chine de 1938 avant la guerre d’Espagne, le parcours historique aller-retour dans la galerie Mansard s’appuie sur la pratique de la photographie, sur la réalisation de ces unités discursives que sont des reportages, apparus pour les besoins des magazines à la fin des années 1920. Capa n’y trouve son destin et son aura qu’à travers la guerre d’Espagne en 1936. C’est là, on le sait, qu’il se forge un style, dans la proximité maximale avec l’action, la proximité de l’idéologie aussi (juif sympathisant communiste, il avait fui le régime fasciste de Budapest en 1932) et celle entre l’appareil photographique et le sujet, qui devient son slogan (être encore plus près).
Selon une formule qui a fait ses preuves depuis « Face à l’Histoire, 1933-1966 » au Centre Pompidou (1996), le recours systématique aux publications d’époque qui diffusaient les images de Capa au fur et à mesure qu’elles parvenaient aux rédactions (Vu et surtout Regards) montre que la diffusion immédiate des images renforce l’impact de cette proximité du photographe. Celle-ci ne se démentira pas, constituant une griffe personnelle qui le différencie du tir esthétique de Cartier-Bresson, co-fondateur de Magnum avec Capa en 1947. Loin d’une rétrospective figée, on se retrouve au cœur d’un travail, d’un artisanat parfois dangereux mais passionné, où la cordialité et l’empathie dominent (le Tour de France de 1939). Les huit cahiers de « tirages-contacts » d’Espagne, retrouvés aux Archives nationales et présentés sous vitrines, sont le contrepoint pragmatique des mythes trop pesants.

CAPA CONNU ET INCONNU

Jusqu’au 31 décembre, Bibliothèque nationale de France, 58, rue de Richelieu, 75002 Paris, tél. 01 53 79 59 59, www.bnf.fr, tlj sauf mardi 10h-19h, dimanche 12h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°205 du 17 décembre 2004, avec le titre suivant : Au plus près de Capa

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