Photographie

SOS fantômes

Le Journal des Arts

Le 17 décembre 2004 - 583 mots

Spectres, apparitions, lévitations et transfigurations sont au cœur des 250 photographies spirites présentées à la MEP.

 PARIS - Par son nombre et sa diversité, la photographie occulte représente un corpus d’images impressionnant, qui n’avait jusqu’ici jamais fait l’objet d’une exposition spécifique. Divisée en trois parties qui correspondent aux trois principaux axes de la photographie spirite, les esprits, les fluides et les médiums, « Le troisième œil, la photographie et l’occulte », à la MEP (Maison européenne de la photographie), à Paris, est particulièrement réjouissante.
Apparu autour de 1840, le spiritisme se développe aux États-Unis à partir de 1860 – l’Américain William H. Mumler ouvre cette année-là un commerce de photographie spirite – et en Europe une dizaine d’années plus tard. Des photographes se spécialisent dans ce domaine, montrant aux côtés d’une personne physique le « fantôme » d’un disparu, matérialisé par une nuée ectoplasmique. Ce type de photographie se développe considérablement après la Première Guerre mondiale, les familles des victimes nourrissant alors l’espoir d’une ultime communication avec ceux qu’elles ont perdus. Ce véritable engouement pour de telles pratiques donnera lieu à des excès soldés par de nombreux procès.
À la fin du XIXe siècle apparaît un second type d’imagerie occulte, la photographie des fluides. Sont alors fixés directement sur la plaque sensible – sans appareil – les fluides provenant du médium ; son âme, sa pensée, ses rêves, ses émotions, son aura sont censés être ainsi révélés. En France, Hippolyte Baraduc et Louis Darget, entre autres adeptes de l’animisme, tentent d’enregistrer leur « énergie vitale » en posant le front ou les doigts sur la plaque sensible. D’une saisissante beauté plastique, les photographies issues de ces expériences présentent peu d’intérêt scientifique. La troisième partie de l’exposition présente des exemples de phénomènes occultes « observés » chez différents médiums, figures célèbres à l’époque pour leurs pouvoirs, mais aussi pour leur extravagance – voir les photographies de transfigurations, notamment celle du médium Eugénie Picquart (vers 1920-1923), dont la photographie est attribuée à Darget.

Archives de sociétés occultes
Les images réunies ici ont un intérêt documentaire et expérimental, montrant l’importance de ces croyances dans la société au tournant du XIXe et du XXe siècle. Fruit de nombreuses années de recherches et d’études, l’exposition privilégie une approche historique en rassemblant des clichés provenant d’archives de sociétés occultes, de collections publiques et privées. « Il ne s’agit pas ici d’embrasser une croyance, mais plutôt de la transformer en objet d’histoire, c’est-à-dire en outil de compréhension des mécanismes humains mis en jeu dans ces expériences de photographies occultes », soulignent Pierre Apraxine et Sophie Schmit dans le catalogue. Du sérieux donc, malgré les situations rocambolesques – un guéridon qui vole et manque d’assommer les participants au cours d’une séance, le « soulèvement complet d’une table », la « lévitation soudaine d’un médium » qui se retrouve projeté au plafond… –, l’énormité des trucages et les savoureuses histoires relatées sur les cartels. Sans oublier les titres qui font souvent sourire : La Médium Éva C. avec une matérialisation sur la tête et une apparition lumineuse entre les mains ; Colonne ectoplasmique sous la table ; Ectoplasme sortant du nez du médium Margery... Tout un programme...

LE TROISIÈME ŒIL, LA PHOTOGRAPHIE ET L’OCCULTE

Jusqu’au 6 février, Maison européenne de la photographie (MEP), 5, rue de Fourcy, 75004 Paris, tél. 01 44 78 75 26, tlj sauf lundi, mardi et j. f. 11h-20h. Catalogue Gallimard, 290 p., 49,50 euros. L’exposition sera présentée de septembre à décembre 2005 au Metropolitan Museum of Art à New York.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°205 du 17 décembre 2004, avec le titre suivant : SOS fantômes

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