Les entreprises au chevet du patrimoine

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 7 janvier 2005 - 821 mots

Pour restaurer les fleurons du patrimoine culturel français, scientifiques,
conservateurs et sociétés mécènes font bon ménage. Exemples, de Versailles à Chaissac.

Le 23 novembre, Alain Erlande-Brandenburg, directeur du Musée national de la Renaissance à Ecouen (Val-d’Oise), et son équipe déployaient, non sans une certaine émotion, dans la salle rénovée du pavillon d’Abigaël, Le Transport de l’Arche d’Alliance et David donne ses ordres à Joab, chef des armées. Les deux premières tapisseries de la Tenture de David et Bethsabée viennent tout juste de rentrer de trois mois de restauration. Ce travail scientifique minutieux a été réalisé grâce au mécénat d’Aéroports de Paris, qui a pris en charge à hauteur de 166 000 euros l’ensemble des travaux de restauration de la Tenture de David et Bethsabée, un programme étalé sur quatre ans. Avec ses dix pièces aux dimensions vertigineuses (75 m de long et 4,50 m de haut), peuplées d’innombrables personnages (600 au total), ce chef-d’œuvre de l’art des liciers bruxellois du XVIe siècle risquait, à moins d’une intervention rapide, de ne plus pouvoir être exposé. Avec cette première, Aéroports de Paris réalise ici un mécénat de « proximité », Écouen étant située à une vingtaine de kilomètres de Roissy. Participer à la sauvegarde d’une œuvre unique, utiliser des techniques de restauration très sophistiquées ou soutenir un musée trop longtemps négligé sont ici autant d’éléments de valorisation pour la société.
Objet de communication prestigieux, la protection du patrimoine intéresse les entreprises mécènes, plus que la création contemporaine où elles se révèlent parfois frileuses. En témoigne la récente réorientation de la politique de la Caisse des dépôts et consignations, qui a choisi de restreindre ses aides à la production artistique (lire le JdA n° 199, 24 septembre 2004). Depuis dix ans, BNP-Paribas s’est engagé dans un programme de restauration des collections françaises, appliqué, sans distinction de genre ou d’importance, à une quarantaine d’institutions comme les musées des beaux-arts d’Agen, Arras, Caen, Dijon, le musée de la Cour d’or à Metz ou encore Versailles. Dernier en date : le Musée de l’Abbaye Sainte-Croix, aux Sables d’Olonne, avec la restauration de 47 œuvres de Gaston Chaissac pour 31 000 euros. La fondation de l’établissement bancaire compte développer ce type d’expérience à l’étranger, avec notamment la restauration de mosaïques à Alexandrie. Initié par Jean-Yves Empereur, archéologue et directeur du Centre d’études alexandrines, avec la participation du conseil général des Bouches-du-Rhône et des laboratoires du Musée de l’Arles antique, le projet, qui se déroulera en France et en Égypte, comprend la formation de personnels égyptiens aux nouvelles méthodes développées dans l’Hexagone. Le mécénat dépasse ici le strict cadre de l’entreprise pour lancer un programme de recherche à long terme et une mise en relation des différents acteurs. Les œuvres restaurées seront ensuite exposées au Musée de l’Arles antique puis à l’Institut du monde arabe, à Paris. Ce type d’opération produit des retombées évidemment très positives pour BNP-Paribas, qui communique largement sur la continuité de son engagement, avec un budget annuellement reconduit d’environ 250 000 euros. De son côté, la Fondation EDF soutient chaque année depuis sa création en 1987 différents projets dans le domaine de l’archéologie, en mettant les techniques et innovations de ses ingénieurs au service des civilisations passées. La Fondation a ainsi pu reconstituer virtuellement le colosse de Ptolémée dont des fragments ont été retrouvés dans la rade d’Alexandrie, ou effectuer des fouilles dans le désert du Taklamakan, en Chine. Les nombreux vestiges qui y furent découverts ont ensuite été analysés et restaurés dans ses laboratoires, apportant des données fondamentales pour la connaissance de cette région chinoise.

Cinq ans pour la galerie des Glaces
Opération pour le moins médiatisée, le groupe Total a, pour sa part, choisi de financer, à hauteur de 4,5 millions d’euros (soit 87 % du budget total), la restauration de la galerie d’Apollon, inaugurée en fanfare le 27 novembre 2004 (lire le JdA n° 204, 3 décembre 2004). Un coup de pub moins impressionnant cependant que celui du groupe Vinci, qui s’est engagé en 2003 à restaurer sur cinq ans la galerie des Glaces au château de Versailles, ce pour 10 millions d’euros, réalisant ainsi la plus importante opération de mécénat en France à l’époque. Le chantier a cependant fait grincer des dents un certain nombre de restaurateurs lorsque Vinci, maître d’ouvrage, a sélectionné pour réaliser les travaux le groupement d’entreprises Pasquali-De Monte, jugé par les spécialistes « non conforme aux critères de sélection définis dans l’appel à candidatures » (lire le JdA n° 193, 14 mai 2004). Le mécène a-t-il son mot à dire dans le choix des équipes scientifiques ? Quelle est la limite de son intervention ? Comment celle-ci peut-elle être encadrée par l’État ? Autant de questions à étudier dans la perspective des grands chantiers à venir. La France recèle en effet d’innombrables trésors qui attendent le bon vouloir de généreux mécènes, à commencer par la salle de bal réalisée par Primatice et Nicola dell’Abate au château de Fontainebleau...

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°206 du 7 janvier 2005, avec le titre suivant : Les entreprises au chevet du patrimoine

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