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Kim Sun-Jung : « L’art des jeunes Coréens est très lié au quotidien »

Directrice de l’Artsonje Center et commissaire du pavillon coréen pour la Biennale de Venise 2005

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 21 janvier 2005 - 981 mots

Directrice de l’Artsonje Center, fondation d’art contemporain créée en 1998 à Séoul, Kim Sun-jung a été choisie pour assurer le commissariat du pavillon coréen de la prochaine biennale d’arts visuels de Venise, en juin. Elle répond à nos questions.

Quels sont les artistes que vous avez sélectionnés pour le pavillon coréen de la Biennale et comment comptez-vous présenter leur travail ?
Ma conception du pavillon n’est pas définitive et je n’ai pas encore choisi tous les participants, mais j’ai l’intention de réaliser une exposition de groupes avec huit à dix artistes coréens. Je suis déjà sûre de présenter le travail de Choi Jeong Hwa, qui avait participé en 2003 à la Biennale d’art contemporain de Lyon. Ses œuvres seront exposées à l’extérieur du pavillon, sur le toit du bâtiment. À l’intérieur, on trouvera des artistes comme Bahc Yiso, déjà présent à la Biennale de Venise 2003, et Kim Beom. Bahc Yiso vient de mourir. Il fut un artiste très important dans les années 1990. Nous avons décidé de rendre hommage à son influence sur la scène artistique coréenne. Je souhaite concevoir l’exposition à la manière de ces livres où figurent des poèmes accompagnés de caractères chinois. Un caractère chinois a plusieurs significations, en fonction de la place qu’il occupe ou du caractère voisin. C’est dans cette optique que je souhaiterais faire dialoguer les œuvres d’art les unes avec les autres.

Est-il possible de définir la scène artistique coréenne ?
Comme je travaille en Corée, il m’est difficile d’avoir une vision objective et les artistes eux-mêmes ne veulent pas être catalogués ou regroupés en un seul ensemble, mais j’ai le sentiment que les œuvres d’art des jeunes artistes coréens sont très liées à la vie quotidienne. Nous avions d’ailleurs organisé, avec nos collaborateurs chinois et japonais, une exposition regroupant des artistes de ces trois pays sur le thème du quotidien. De manière générale, quand je pense aux artistes, je ne distingue pas les européens des asiatiques, mais plutôt les bons des mauvais ! La scène coréenne utilise tous les médiums, vidéo, sculpture, installation… Bien sûr, la peinture reste très importante dans notre pays, mais comme elle a une histoire extrêmement longue, c’est très difficile de trouver de bons peintres, capables d’apporter quelque chose de réellement nouveau… c’est un véritable défi.

Vous exposez actuellement une œuvre de Chan-Kyong Park qui vient de recevoir le prix Hermès auquel l’Artsonje Center s’est associé. Son œuvre évoque la guerre froide et la séparation de la Corée du Nord et du Sud. Les artistes coréens ont-ils plus de facilité aujourd’hui à exprimer leur opinion politique ?
Cela a commencé au début des années 1980, quand les artistes se sont exprimés à voix haute à travers la peinture et la sculpture. Aujourd’hui, les jeunes ont repris le flambeau mais s’expriment d’une autre manière. On peut signaler le travail de Lee Bul et bien sûr celui de Chan-Kyong Park. En 1995, on a construit à Séoul un espace très particulier. « L’Espace alternatif » est un centre au sein duquel le directeur et les artistes travaillent ensemble à des expositions et dispensent aussi des cours, commentent leurs travaux, mènent un travail de réflexion autour des œuvres. Il en existe plusieurs à Séoul. L’un d’eux s’appelle « Sarobia », du nom d’une fleur, et produit spécifiquement des installations. Un autre, qui s’appelle « Pull » (les herbes), s’intéresse à des questions d’ordre plus politique… Ils ont un rôle très important et une grande influence en Corée.

Comment le public réagit-il vis-à-vis de la création contemporaine ?
Les espaces alternatifs s’adressent vraiment aux spécialistes. Les musées, eux, visent un public plus large, mais il est très difficile aujourd’hui pour les néophytes de comprendre l’art contemporain. Au milieu des années 1990, la plupart des galeries et musées présentaient des expositions assez faciles à comprendre, mais cette tendance n’a pas duré longtemps. Les institutions font donc de plus en plus d’efforts pour créer des outils pédagogiques. Ainsi le Leeum Samsung Museum, récemment inauguré à Séoul [lire le JdA n° 201, 22 octobre 2004], met au service du public une technologie de pointe d’aide à la visite, un audioguide perfectionné et personnalisé en fonction des centres d’intérêt du visiteur. Un espace spécifique, situé au rez-de-chaussée, permet ensuite de se connecter à une vaste base de données qui, en fonction de ce que le visiteur a le plus apprécié, va fournir quantité d’informations sur un artiste, un mouvement, une période… Pour notre part, nous développons différents programmes destinés aux enfants, écoliers et étudiants.

Peut-on esquisser le profil des collectionneurs d’art contemporain coréens ?
Les collectionneurs sont aussi bien coréens qu’internationaux. Certains se passionnent pour la création coréenne depuis longtemps, mais il y a une partie des collectionneurs qui intéresse plus particulièrement les galeries : il s’agit de ces jeunes qui exercent des professions libérales (avocats, médecins…). Ils visitent régulièrement des lieux comme l’Artsonje Center pour se tenir au courant et aussi dans l’intention d’acquérir des œuvres. Pour les jeunes artistes, les collectionneurs représentent évidemment un enjeu important, mais c’est encore difficile pour eux car il n’existe pas en Corée de galerie qui travaille exclusivement avec les talents de demain. Elles se concentrent souvent sur ceux qui sont déjà reconnus.

Quels sont les projets du Artsonje Center ?
Pour notre septième anniversaire, cette année, nous serons en travaux ! Mais nous poursuivons notre travail à l’étranger. En septembre, nous organisons une exposition au Kunstverein de Francfort, en Allemagne. Une trentaine d’artistes internationaux, parmi lesquels cinq ou dix Coréens, y seront réunis par nos soins sur le thème « Nord et Sud ».

Des expositions ont-elles retenu votre attention récemment ?
J’ai beaucoup aimé l’exposition de Bruno Peinado au Palais de Tokyo à Paris durant l’été 2004, « Perpetuum mobile ». J’ai aussi été très enthousiasmée par la visite de la Biennale d’art contemporain de Séville même si elle n’était pas à la hauteur de mes espérances.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°207 du 21 janvier 2005, avec le titre suivant : Kim Sun-Jung Directrice de l’Artsonje Center et commissaire du pavillon coréen pour la Biennale de Venise 2005

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