Profession

Facteur d’orgues

Par Valentine Buvat · Le Journal des Arts

Le 18 février 2005 - 696 mots

Le facteur d’orgues doit allier patience, ingéniosité et mélomanie. Pour imaginer un orchestre entier, il doit être un véritable architecte du son.

Une dizaine de facteurs d’orgues exercent en France. Bernard Aubertin est de ceux-là, l’un des plus brillants même puisqu’il a été nommé Maître d’art en 1995. Il vient d’achever la fabrication d’un nouvel instrument commandé par la Ville de Paris pour l’église Saint-Louis-en-l’Île et qui devrait être inauguré au mois de juin. « La construction de cet orgue a duré environ vingt mille heures, soit l’équivalent de treize années du labeur d’une seule personne, plaisante le facteur. Du premier dessin jusqu’à l’installation de l’instrument, il s’est écoulé presque six ans. »

Car dans la facture d’orgues comme dans tant d’autres métiers d’art, tout commence par un dessin. « Il faut imaginer un instrument qui s’intégrera très bien dans l’architecture environnante », explique Bernard Aubertin. Facile à dire. Les contraintes sont en effet nombreuses tant du point de vue de l’esthétique visible que de l’esthétique sonore. Les caractéristiques acoustiques du lieu et celles qui sont attendues de l’instrument, bien souvent destiné à un répertoire précis, doivent être parfaitement maîtrisées.

Une fois le projet artistique validé, celui-ci est transformé en dessin technique, encore détaillé en liste de débit. « De nombreux corps de métiers sont sollicités pour fabriquer un orgue. Qu’il s’agisse de ceux du bois ou du métal, tous convergent vers un seul et même but : le son », résume l’artisan.

Rogner sur la longueur

La fabrication proprement dite commence dans l’atelier du bois. Charpentier, ébénistes, sculpteurs et marqueteurs interviennent à cette étape où sont privilégiées les essences de chêne et de châtaignier ayant séché à l’air libre. Comme chez tout ébéniste, le bois est façonné. Il est dressé et débité selon des formes voulues pour créer le buffet, l’âme en bois de l’orgue. Une partie de la tuyauterie, 10 à 15 % en moyenne, est également bâtie dans cet atelier. Le matériau dans lequel sont fabriqués les tubes change le son qui en sortira. Il influe sur sa couleur et également sur sa portée qui est quelquefois indépendante de la puissance de l’instrument.
L’essentiel de la tuyauterie est métallique, fabriqué en étain ou en plomb martelé. Seules les matières premières sont achetées car les alliages sont réalisés à l’atelier. Une fois le métal traité et coulé en plaques, il est découpé puis raboté. Cette dernière opération est fastidieuse mais essentielle puisqu’elle apporte sa solidité au futur tuyau. Les plaques sont ensuite roulées et fixées en tuyau ; il ne reste plus qu’à les faire fonctionner une fois les éléments sonores mis en place.

Dans la salle d’harmonie, un « mannequin » va servir à éprouver les tubes. Ceux-ci sont placés sur cette machine qui, en soufflant, permet au facteur d’améliorer le son du tuyau. Il peut ainsi placer la « bouche », une fente ouverte sur le tuyau, l’ajuster, réduire les embouchures..., une série d’interventions qui déterminera la forme et l’angle du résonateur afin de développer le spectre sonore. Quand les tuyaux sont enfin harmonisés, ils peuvent être installés dans l’instrument. Une fois dans l’orgue, s’exerce entre eux une forme soit de sympathie soit de répulsion. Il faudra alors les accorder pour pouvoir marier harmonieusement leurs nombreuses sonorités. Lorsque le facteur accorde, il intervient sur la longueur des tuyaux en les rognant avec finesse pour atteindre la perfection recherchée.
Un orgue possède différents « jeux », chacun reproduisant le son d’un instrument. Ainsi, en fonction de ses jeux et qui le rapproche d’une formation orchestrale précise, l’instrument est-il plus particulièrement adapté à tel ou tel répertoire. L’orgue de Saint-Louis-en-l’Île, avec ses 3 500 tuyaux, ses trois claviers de 56 notes et ses 51 jeux, est destiné à l’interprétation des œuvres des musiciens protestants du Nord et surtout de Jean-Sébastien Bach. L’organier n’a d’ailleurs jamais oublié le maître mot du compositeur durant la fabrication de l’instrument, « majesté et gravité ».

Formation

- CAP « facteur d’orgues »
- CAP « tuyautier en orgues »
- BMA « facture instrumentale », option Orgues
École des facteurs d’orgues d’Eschau, 21, rue des Fusiliers-Marins, boîte postale 26 F, 67114 Eschau, tél. 03 88 59 00 81

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°209 du 18 février 2005, avec le titre suivant : Facteur d’orgues

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