Séoul

Sous l’asphalte... l’âme coréenne

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 18 février 2005 - 911 mots

Depuis quelques années, Séoul rénove son patrimoine artistique et historique. Dans le même temps, de nombreux établissements culturels voient le jour.

 SÉOUL (Corée du Sud) - Centre politique, économique et culturel de la Corée du Sud, Séoul abrite aujourd’hui un quart de la population du pays, soit un peu plus de 10 millions d’habitants. La capitale coréenne a beaucoup souffert de l’occupation japonaise (1910-1945) et de la guerre civile qui déchira le Nord et le Sud de 1950 à 1953. Elle a été reconstruite à la vitesse de l’éclair selon des conceptions architecturales des plus modernes. Les galeries et musées n’ont pas dérogé à la règle. À titre d’exemple, citons le Seoul Museum of Art, ouvert en 1988 et réputé pour sa collection d’œuvres des années 1970, qui s’est réinstallé dans de nouveaux locaux dès 2002. Et, fin 2004, a été inauguré le Samsung Museum of Art, imaginé par Mario Botta, Jean Nouvel et Rem Koolhaas, destiné à l’accueil de la plus grande collection d’entreprise du pays (lire le JdA n° 201, 22 octobre 2004).
En 2005, un nouveau projet d’envergure devrait venir enrichir un paysage culturel en constante évolution. Fermé depuis l’année dernière, le Musée national de Corée doit, pour son soixantième anniversaire, rouvrir ses portes au public au mois d’octobre dans un nouveau bâtiment aux dimensions titanesques. Installé dans le quartier de Yongsan, au cœur de Séoul, l’édifice de plus de 45 000 m2 a été érigé par Junglim Architecture sur un terrain de trente hectares, une ancienne base américaine tout juste délocalisée. L’intérieur est baigné de lumière naturelle, et comporte de nombreuses ouvertures et connexions entre les salles, ainsi que de vastes baies vitrées afin d’ouvrir le musée sur la ville. D’esprit moderne, cette structure édifiée de 1997 à 2004 n’en respecte pas moins la distribution traditionnelle des maisons coréennes : elle a été bâtie contre une montagne et face à un cours d’eau. Ces espaces devraient permettre d’exposer de 10 000 à 12 000 objets, soit plus du double des vestiges présentés lorsque le musée était installé au palais Gyeongbok, et environ 10 % de la collection, riche de plus de 100 000 pièces. Pour l’heure, les conservateurs travaillent à l’installation des objets qui seront déployés dans 42 salles d’exposition permanente. Deux espaces seront par ailleurs réservés aux manifestations temporaires. Organisé de manière thématique, le rez-de-chaussée sera consacré à la préhistoire et à l’histoire de la Corée ; le premier étage, aux beaux-arts coréens et aux arts d’Asie – auparavant, très peu de pièces d’art chinois ou japonais étaient mises en exergue. La restructuration du musée a donné lieu à de nombreux legs et a permis de faire entrer près de 5 000 objets au musée. Les donations les plus importantes, classées par genre (bronzes, miroirs, céramiques), seront dévoilées dans une dizaine de salles situées au premier étage. En nette augmentation depuis 2000, le budget annuel de fonctionnement du musée (7 milliards de wons, soit 10 millions d’euros) ne suffira pas à cet établissement gargantuesque qui devra redoubler d’efforts pour attirer les foules coréennes, en général plus enthousiasmées par la création contemporaine. Il s’agit aussi de réhabiliter un quartier jusqu’alors occupé par l’armée américaine. Deux stations de métro vont ouvrir de part et d’autre du complexe, et des institutions culturelles voisines devraient voir le jour, notamment trois salles de spectacle.

Restitution à l’identique
Le patrimoine historique et artistique du pays n’est pas l’apanage des seuls musées et, malgré un passé pour le moins chaotique, la mégalopole est parvenue à conserver in situ quelques-uns de ses plus beaux édifices anciens, particulièrement ceux de la dynastie Joseon (1392-1910). Ainsi des portes de Dongdaemun et Namdaemun, du palais Changgyeonggung, fondé par le roi Sejong (1418-1450) et dévolu aux reines et concubines, du palais Deoksugung (« palais de la longévité heureuse ») où résidait le prince Wolsan (1454-1488), des tombes royales Hongneung et Seonjeongneung, ou encore de l’académie confucéenne, Sung Kyun Kwan… Le plus complet et imposant de ces vestiges est sans nul doute le palais Gyeongbokgung, où s’établit la dynastie Joseon en 1394, avec son incroyable salle du trône, son pavillon Gyeonghoeru flottant au milieu d’un étang couvert de lotus, son luxuriant parc et ses nombreux bâtiments à l’architecture raffinée. Certains ont été si peu épargnés par les aléas de l’histoire que l’on peut davantage parler de restitution à l’identique que de restauration du patrimoine. Ces édifices à l’aspect flambant neuf – à faire pâlir les adeptes de la restauration soft – constituent pourtant d’indispensables témoignages de la civilisation coréenne. Consciente, tardivement il est vrai, de l’importance de son patrimoine culturel pour affirmer l’identité nationale coréenne, la mairie de Séoul a lancé différentes mesures pour le valoriser et sauver ce qu’il en reste (lire l’entretien). Parmi les grands projets en cours : la transformation d’ici à 2006 de l’ancienne gare en un vaste « pôle culturel » tourné vers le XXIe siècle, abritant des expositions d’art contemporain et de design, des conférences, des rencontres, voire des défilés de mode. Construite en 1925 sur le modèle européen et fermée en novembre 2003, cette gare de 3 000 m2 située au centre-ville est, pour l’heure, l’objet de toutes les convoitises et certains préféreraient y voir un supermarché... Mais la ville semble bien décidée à miser sur ses richesses patrimoniales en laissant parler l’âme coréenne qui sommeille sous l’asphalte de sa modernité.

Musée national de Corée

1-57 Sejongro Chongro-ku, Séoul, Corée du Sud, tél. 82 2 2077 9000, http://museum.go.kr Pour tout renseignement : www.seoul.go.kr ou www.ambafrance-kr.org

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°209 du 18 février 2005, avec le titre suivant : Sous l’asphalte... l’âme coréenne

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