Foire

New York attire toujours autant les galeries

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 4 mars 2005 - 803 mots

Du 11 au 14 mars, l’Armory Show de New York prend le taureau par les cornes pour ne pas se laisser distancer par Art Basel Miami Beach.

NEW YORK - Depuis l’OPA lancée par Art Basel Miami Beach sur le marché américain, la position de l’Armory Show de New York sur l’échiquier des foires d’art contemporain semble des plus floues. Plus en verve que la Foire de Chicago, elle n’est pas aussi trendy que Miami ou Frieze à Londres mais reste plus vivace que la plupart des foires européennes. « Avec Frieze, Bâle et Miami, l’Armory fait partie des examens trimestriels des galeries, assure Olivier Antoine, de la galerie Art : Concept (Paris). NADA peut faire du mal à Art Basel Miami Beach, mais aucune foire ne peut toucher l’Armory. C’est à New York qu’on trouve la substantifique moelle, le condensé du pouvoir et de l’argent. » Membre du comité de sélection, le galeriste Emmanuel Perrotin (Paris) reconnaît que « les grosses galeries new-yorkaises n’ont qu’une envie, se dire qu’elles ont un espace à Chelsea, où se rend la terre entière, et qu’elles n’ont pas besoin de la foire. Mais si les “cadors” y participent quand même, c’est que ça reste important. » Critiquée pour son organisation brouillonne, la foire new-yorkaise reste représentative du marché avec 162 galeries, dont 82 sont communes à Art Basel. Pour celles qui jouent le pari du doublon, il est nécessaire de proposer autre chose qu’une simple redite de leurs performances en Floride. La galerie Hauser & Wirth (Zurich) a ainsi choisi de se concentrer sur des dessins (35 000 dollars, soit 26 800 euros) et peintures provocantes de Lee Lozano, artiste des années 1960-1970, aujourd’hui décédée. « C’est une présentation qui n’aurait pas fait sens à Miami. On le fait à New York d’autant plus qu’elle a eu une rétrospective au PS1 l’an dernier », remarque Marc Payot, codirecteur de cette galerie.

Galeries européennes
Contrairement à certaines foires qui se sont institutionnalisées très vite, l’Armory Show évite tant bien que mal la pensée unique. De fait, elle compte certaines galeries très hype comme John Connelly, LFL ou Daniel Reich (New York). « L’Armory Show est pointu en art contemporain, tout en ayant conservé un côté artisanal, remarque le galeriste parisien Georges-Philippe Vallois. C’est l’une des dernières à réserver son lot de surprises sans être un panégyrique des artistes du haut du marché. On y voit des gens qui s’intéressent à autre chose qu’à des pièces qui valent au minimum 200 000 dollars en vente publique. Il n’y a pas de course aux conseillers ou d’ostracisme envers la France. » Fort de ce constat, le galeriste prévoit un grand quadriptyque en gouache de Gilles Barbier (40 000 euros). En contact avec deux musées américains intéressés par l’artiste Carole Benzaken, Nathalie Obadia (Paris) apporte une frise de dessins (60 000 euros), tandis qu’Olivier Antoine mise sur ses chevaux gagnants Richard Fauguet et Jeremy Deller. Nouvelle recrue de la foire, la galerie Chez Valentin (Paris) déploie un grand néon de Mathieu Mercier (14 000 euros) et un caisson lumineux holographique de Nicolas Moulin (6 000 euros). « C’est étrange car d’un côté on a l’impression d’arriver dans le pays le plus puissant du monde, mais en même temps on sent une ouverture, observe Frédérique Valentin. On pense avoir plus de chance d’être remarqués aujourd’hui à New York que dans le climat hyperspéculatif de Frieze. »
Jusqu’à présent, le salon ne s’encombrait pas d’effets d’annonce, de pseudo-renouvellement de secteurs ou de programme VIP. « L’Armory n’a pas à vendre une ville, contrairement à Art Basel Miami Beach ou à l’ARCO à Madrid », rappelle Emmanuel Perrotin. Toutefois, la foire a compris que malgré la dynamique propre à New York elle doit reprendre du poil de la bête, faute d’être définitivement distancée par Miami. Pour cela, la direction a dégraissé la représentation new-yorkaise en refusant 19 enseignes locales jugées moyennes. Celles-ci ne représentent plus que 35 % des exposants, contre 49 % de galeries européennes (11 françaises). Point faible, l’agencement des stands a été revu pour offrir une circulation plus aérée.
Reste à voir si la manifestation figure toujours dans l’agenda des grands collectionneurs. « Tout le monde ne parle que des grands collectionneurs américains comme les Rubell ou Margulies. Mais on vit tous sur des gens qui ont 100 000 dollars à dépenser sur une foire, remarque Georges-Philippe Vallois. Chaque salon a ses collectionneurs locaux et à New York ils sont plus nombreux et fortunés qu’ailleurs, même à un petit niveau. » Rien ne dit que la transhumance des fashion victims vers Miami ne s’épuisera pas un jour. Regarderont-ils alors l’Armory Show avec des yeux de Chimène ?

THE ARMORY SHOW

11-14 mars, Piers 90 & 92, XIIth Avenue at 50th & 52nd Streets, New York, www.thearmoryshow.com, les 11-12-13, 12h-20h, le 14, 12h-17h

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°210 du 4 mars 2005, avec le titre suivant : New York attire toujours autant les galeries

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