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Lieux dits

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 4 mars 2005 - 549 mots

Tacita Dean et Jeremy Millar explorent la question du lieu.

Peut-on réellement saisir un lieu, sa charge historique, symbolique, voire émotionnelle ? La réponse est clairement : « Non ! » Pourtant nombre d’artistes persistent aujourd’hui encore à faire de « cette chose insaisissable » le cœur de leur travail. Comment ? « En utilisant des médiums et des techniques qui sont à même de décrire un lieu indirectement, par exemple par le biais du son ou du récit, de faits historiques ou inventés », explique l’artiste anglaise Tacita Dean, dans un livre coécrit avec le curator anglais Jeremy Millar et simplement intitulé « Lieu ».

L’ouvrage « est conçu comme une exposition ». Il débute par un chapitre baptisé « Entrée », qui tente, au travers d’exemples piochés tant dans l’histoire que dans les travaux d’artistes, de répondre à la question jadis posée par Aristote (« Qu’est-ce qu’un lieu ? »). Il s’achève, évidemment, avec le chapitre intitulé « Sortie », qui comporte, notamment, des biographies succinctes des artistes et une conversation prenante entre les auteurs, Joseph L. Koerner, historien d’art au Courtauld Institute of Art de Londres, et Simon Schama, producteur de télévision et professeur d’histoire de l’art à l’université Columbia à New York. Au milieu se succèdent huit « salles », qu’on imagine en enfilade, chacune développant un thème précis : « Urbain », « Nature », « Fantastique », « Histoire et Mythes », « Politique et Contrôle », « Territoires », « Itinérance », « Non lieux ».

Fuyante notion de lieu
Elles rassemblent les œuvres d’une soixantaine d’artistes – de Doug Aitken à Maurizio Cattelan, de Thomas Struth à Stan Douglas, d’Olafur Eliasson à Steve McQueen… –, qui, tous, analysent la notion de lieu dans le monde. Il y a ceux qui explorent la ville telle qu’elle est et ceux qui inventent des mondes fantastiques. Ceux qui s’intéressent aux divisions territoriales et à leurs conséquences et ceux qui tentent de cerner le rôle de la nature dans notre imaginaire. Chacun à sa manière essaie d’appréhender cette fuyante notion de lieu. Comme l’Américaine Roni Horn, lorsqu’elle donne sa définition de l’Islande, pays dans lequel elle séjourne régulièrement : « L’échelle de cette île m’impressionne au plus haut point. Elle est assez grande pour s’y perdre, mais assez petite pour s’y retrouver. » L’Irlandaise Kathy Prendergast, elle, étudie depuis plusieurs années les noms de lieux liés à une émotion (« Lonely Island », « Hearts Desire », « Love Hollow »…), en vue de publier un « atlas émotionnel du monde ». Variation amusante sur ce thème, elle a dessiné, en 1999, la carte Lost, qui recense les lieux « perdus » d’Amérique du Nord (« Lost River », « Lost Creek », « Lost Valley », « Lost Canyon »…). Tous les autres noms ont été effacés. « Est-ce la carte d’un État ou celle d’un état d’esprit ?, interrogent avec justesse Tacita Dean et Jeremy Millar. Prendergast parvient à exposer le paradoxe de la cartographie : ce que nous trouvons a rarement autant de valeur que ce qui a disparu. » Bref, il n’y a pas de lieux communs.

TACITA DEAN ET JEREMY MILLAR, « LIEU », à paraître le 18 mars, éd. Thames & Hudson, 2005, 208 p., 22 euros, ISBN 2-87811-251-2

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°210 du 4 mars 2005, avec le titre suivant : Lieux dits

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