Design

La Cité de la discorde

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 18 mars 2005 - 614 mots

SAINT-ETIENNE

La future Cité du design de Saint-Étienne oppose le maire et les associations de défense du patrimoine sur le choix du site.

SAINT-ÉTIENNE - En juillet 2004, Michel Thiollière, sénateur maire (UMP) de Saint-Étienne et président de la communauté d’agglomération, révélait le nom de l’architecte chargé de bâtir le projet phare de sa mandature : la Cité du design. Le Berlinois Finn Geipel était ainsi désigné pour construire ce nouvel établissement culturel destiné à réhabiliter l’image d’une ville durement touchée par la déprise industrielle. Mais alors qu’il en dévoilait la maquette, le maire ne mesurait pas encore la vigueur de l’hostilité qu’il allait devoir affronter. Huit mois plus tard, trois associations – les Amis du vieux Saint-Étienne, ARCO (Association pour la valorisation de l’image de la ville) et la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (SPPEF) – sont parvenues à rallier une partie de la population contre le choix du site retenu : l’ancienne Manufacture impériale d’armes, un complexe industriel bâti entre 1866 et 1869 à deux pas du centre-ville et abandonné depuis la fin des années 1990 par Giat Industries. Non protégé au titre des monuments historiques, il est constitué de bâtiments en brique et pierre d’un style éclectique, dont un pavillon de l’Horloge qui se dresse côté ville, à l’arrière d’une place d’Armes.
Or c’est justement sur cette partie du site que devrait s’ériger la nouvelle Cité du design. Dans son projet, Finn Geipel prévoit ainsi d’étirer un long volume – la « platine » – sur 220 mètres de long en contrebas du pavillon de l’Horloge. « Le nouveau bâtiment va s’étaler sur la partie triomphale du site, entraînant la destruction de deux ailes, mais aussi des pavillons des directeurs et de leurs jardins suspendus », explique Franck Maurel-Segala, délégué de la SPPEF pour la Loire. Pour sa part, l’architecte affirme avoir sondé ces bâtiments et en avoir conclu qu’ils étaient difficilement transformables. D’où leur disparition programmée, dans le respect du programme du concours, qui n’imposait aux architectes que la conservation du pavillon de l’Horloge et de la grille d’honneur, les seuls éléments à avoir été signalés par les services du ministère de la Culture. Pourquoi alors ne pas avoir réagi au moment de l’établissement du cahier des charges ? « Le projet a été mené en catimini, déplore Jacques Stribick, d’ARCO. Nous n’en avons eu connaissance qu’après la désignation du lauréat. » Pour la Mairie, le site n’étant pas ouvert au public, il était méconnu de la population : il n’était donc pas nécessaire de la consulter.

Risque politique
Malgré ces attaques, Michel Thiollière n’entend toutefois pas annuler un concours « organisé selon les procédures légales et choisi à l’unanimité par le jury, car il sait justement concilier impératifs patrimoniaux et architecture contemporaine innovante ». Il n’est donc pas question de repositionner le projet sur le site comme le proposent ces associations. Ces dernières multiplient par conséquent les recours, sollicitant notamment un classement d’urgence auprès du ministère de la Culture. Rue de Valois cependant, on se refuse catégoriquement à bloquer un projet soutenu et financé par l’État – et l’Union européenne –, mais aussi à arbitrer sur une initiative municipale. Une ultime possibilité s’offre au collectif : parvenir à saisir la Commission régionale du patrimoine et des sites (CRPS). À ce jour, ses demandes réitérées auprès du préfet de région, seul capable de saisir la CRPS, sont restées lettre morte. « Tout peut arriver avec un maire qui manie le bulldozer nuit et jour. Mais aujourd’hui, alors que la moitié de la population est au courant, il prend un gros risque politique », prévient Jacques Stribick. Les premiers travaux sont toujours prévus pour l’automne.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°211 du 18 mars 2005, avec le titre suivant : La Cité de la discorde

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