Sotheby’s/Tajan

Le gothique, c’est fantastique

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 1 avril 2005 - 725 mots

Le mobilier haute époque et le néogothique XIXe séduisent le monde de la décoration.

 PARIS - On le croyait perdu dans les limbes, pourtant, d’une certaine façon, il est toujours au goût du jour. Loin des ambiances claustrales des total look, l’art du Moyen Âge a encore ses adeptes. Pour preuve, les trois ventes annuelles de la maison Tajan sur le thème de la haute époque sont loin de désemplir. Si les petits objets n’ont plus la cote, la belle statuaire et les objets de curiosité, et même les meubles des XVIe et XVIIe siècles ainsi que les pièces de mobilier revisités au XIXe siècle sous l’influence de Viollet-le-Duc, intéressent, outre le cercle des initiés, les décorateurs et particuliers. La « vente de printemps » organisée par Sotheby’s le 23 février comprenait de nombreuses pièces d’époque qui ont trouvé leur public, à l’exemple d’un beau banc italien en noyer sculpté formant coffre et datant du début du XVIe siècle, adjugé 42 000 euros, ou encore d’un meuble français à deux corps en noyer sculpté, vendu 19 800 euros. « Ce n’est pas ce qui est à la pointe, mais quand c’est joli et pas cher, cela part », constate Alain Renner qui a mené la vacation. « J’ai été agréablement surprise par la vente du 23 février, car tout le mobilier haute époque s’est vendu, y compris des choses très classiques comme des fauteuils et petites tables Louis XIII en bois tourné. Il y a encore cinq ans, ce type de mobilier ne se vendait pas », souligne encore la commissaire-priseur Stéphanie Denizet. Celle-ci dirigera la prochaine vacation de Sotheby’s le 7 avril autour du contenu d’un hôtel particulier parisien, meublé en grande partie avec du mobilier gothique et néogothique mélangé à des objets de style Louis XV ou Régence et du mobilier syrien XIXe en marqueterie de bois et nacre. Selon Stéphanie Denizet, « l’ensemble n’est pas forcément homogène mais cela fonctionne bien et c’est très décoratif ». La couverture du catalogue illustrée par une photographie d’ambiance in situ met d’ailleurs l’accent sur cet aspect. Le marché de la décoration pourrait ainsi être séduit par un tabernacle italien de voyage en bois sculpté et décoré ayant gardé des traces de polychromie (vers 1500, estimé 6 000 euros), par une suite de huit chaises en noyer du XVIIe siècle (estimée 10 000 euros), par un dressoir en noyer du XVIIe siècle à décor de pilastres et chapiteaux (estimé 4 000 euros) ou par une paire de spectaculaires pique-cierges en bronze doré de style néogothique montés en lampe (estimée 1 000 euros). Les amateurs férus de pièces d’époque épris d’un certain purisme se tourneront vers un sobre coffre du XVIIe siècle gainé de parchemin, estimé 1 200 euros, et, surtout, vers un verre églomisé italien du XVIIe siècle illustrant Saint François recevant les stigmates, estimé 5 000 euros. « Le marché du mobilier gothique et de la Renaissance se porte bien pour les pièces de qualité ou très décoratives, confirme Sandrine Crochat, responsable du département Haute Époque chez Tajan. Une chapière [meuble servant à ranger des habits d’ecclésiastique] transformée en meuble atypique s’est par exemple vendue 10 830 euros le 22 septembre dernier. » Le prochain rendez-vous thématique de Tajan est fixé au 25 avril. Parmi les lots les plus spectaculaires, notons un beau cabinet français du XVIIe siècle en bois indigène marqueté sur un piètement à colonnes torses, ouvrant à deux vantaux et deux tiroirs, présentant un joli théâtre en trompe-l’œil agrémenté de miroirs et dissimulant des tiroirs, estimé 25 000 euros ; une cassone (coffre de mariage) d’Italie du Nord en bois sculpté avec une réserve violonée à motif d’écaille en façade et des montants terminés par des pieds en griffes de lion, estimée 5 000 euros ; ou encore une scène statuaire française de la région de Troyes en pierre calcaire figurant Saint Hubert et le cerf miraculeux, estimée 6 000 euros. Comme quoi l’austérité n’est plus de rigueur.

- MOBILIER PROVENANT D’UN HÔTEL PARTICULIER DU MARAIS, vente le 7 avril, Sotheby’s, 76, rue du Faubourg-Saint-Honoré, 75008 Paris, tél. 01 53 05 53 05, www.sothebys.com, exposition les 5 et 6 avril, 10h-18h - HAUTE ÉPOQUE, vente le 25 avril, Drouot-Richelieu, 9, rue Drouot, 75009 Paris, SVV Tajan, tél. 01 53 30 30 80, www.tajan, exposition le 23 avril, 11h-18h, et le 25 avril, 11h-12h

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°212 du 1 avril 2005, avec le titre suivant : Le gothique, c’est fantastique

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque