Analyse

Quel potentiel pour les marchés de spécialité ?

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 1 avril 2005 - 528 mots

Les maisons de ventes aux enchères ont parfois du mal à trouver des pièces pour leurs vacations de niche.

Dans un climat général de pénurie des œuvres d’art, les ventes de sous-spécialités sont de plus en plus difficiles à monter. Après les mauvais résultats de 2002, et faute de glaner suffisamment de pièces, Sotheby’s avait renoncé à sa vente surréaliste en 2003, avant de reprendre à nouveau le rythme l’an dernier. De même, face à la raréfaction des œuvres allemandes de qualité, Christie’s a mis entre parenthèses sa vente German and Austrian Art en 2004. D’après Jussi Pylkkänen, président de Christie’s Europe, le marché a aussi atteint une maturité suffisante pour que les œuvres soient aiguillées vers les ventes d’art moderne. L’an dernier, la maison de François Pinault avait aussi mis en veille sa rituelle Italian Sale d’octobre à Londres. Le marché de l’art italien étant à point, la maison peut aisément arbitrer entre les artistes purement locaux, circonscrits aux ventes milanaises, et les ténors à même de siéger dans les ventes d’art contemporain du soir. En témoignent les records enregistrés en février à Londres pour Mario Merz et Emilio Vedova. D’après Olivier Camu, spécialiste de Christie’s, la suppression de l’Italian sale a toutefois suscité un tel tollé chez les aficionados qu’on la retrouve au calendrier 2005. D’ailleurs, sous peine de voir des œuvres importantes dévier vers la concurrence, les maisons ont intérêt à conserver vaille que vaille ces ventes de niche. Une manière de signifier aux vendeurs potentiels leur présence, voire leur domination, sur un segment.

Toute spécialité a un cycle de vie
Le potentiel d’un marché de spécialité est difficile à cerner. Parfois une collection tombée du ciel peut donner l’illusion d’une niche, notamment dans le domaine des memorabilia, alors qu’on a souvent affaire à des one shot. Emmanuelle Vidal, directrice du développement de Christie’s France, rappelle aussi que toute spécialité a un cycle de vie, entre son lancement, son développement, son arrivée à maturité et son fléchissement. La photo est montée en puissance, mais après l’emballement cristallisé par la vente Jammes chez Sotheby’s, on observe un décrochage entre le moyen, foisonnant, et le haut du panier, de surcroît difficile à dénicher. Du coup, en novembre, les ventes de photographies habituellement greffées à Paris Photo se sont réduites comme peau de chagrin. Il faut aussi préciser que la spécialité s’est aussi nettement déplacée à New York. Face à la raréfaction des pièces majeures en Art déco, Camard imagine pour sa vente de juin prochain un concept généraliste autour du XXe siècle, plutôt qu’une sectorisation habituellement de mise.

Les maisons de taille moyenne ont du mal à conserver certaines spécialités pour lesquelles elles n’ont pas développé de réelle expertise. Si elle garde pied dans le secteur des bijoux et des livres anciens, la maison Bergé et Associés n’organise plus de ventes de céramiques contemporaines, d’art primitif ou d’archéologie, préférant opter pour un département multiproduit. Il est aussi clair que la fin annoncée de la collaboration entre l’expert marchand Félix Marcilhac et Tajan pourrait mettre en péril les ventes d’arts décoratifs du XXe siècle de la maison. N’oublions pas que les spécialités sont tributaires des spécialistes en question.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°212 du 1 avril 2005, avec le titre suivant : Quel potentiel pour les marchés de spécialité ?

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