Art Paris

Un timide printemps

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 15 avril 2005 - 677 mots

Malgré un net sursaut qualitatif, la dernière édition d’Art Paris, qui s’est dérouléedu 31 mars au 3 avril, n’a pas remué les foules.

 PARIS - La nouvelle mayonnaise d’Art Paris a-t-elle pris ? Sur le papier, le sursaut qualitatif était garanti avec l’arrivée d’une quinzaine de bonnes galeries modernes françaises amadouées par le basculement de la foire au mois de mars. De visu, il n’y avait effectivement pas photo entre cette édition et les précédentes. Au détour d’une singulière « épidémie » d’Henri Michaux et d’André Masson et d’un parfum général très « Paris-Paris », figuraient de jolies invitées comme un projet pour un costume de Natalia Gontcharova (21 500 euros) présenté par Thessa Herold (Paris) ou Barcelone I (1939), seul tableau à connotation politique de Le Corbusier, proposé pour 280 000 euros chez Zlotowski (Paris). Les one-man shows profitables de Jean-Pierre Pincemin chez Denise Cadé (New York), Pol Bury sur le stand de Louis Carré & Cie (Paris) ou Bissière sur celui de Jeanne Bucher (Paris) se révélaient courageux dans un contexte où la pensée unique gomme toute référence à l’art français, passé ou présent. Les nouveaux exposants saluaient aussi l’ambiance conviviale et l’ouverture d’esprit des visiteurs, moins « chabada » que sur d’autres salons parisiens. « Au vernissage, les gens sont venus pour voir et pas pour être vus », remarquait Jean-François Kayser de la galerie Jean-Pierre Ritsch-Fisch (Strasbourg).
Malgré le bond en avant de cette édition, l’arrière-goût reste pourtant mitigé. Certains nouveaux marchands, et pas des moindres, ont préféré racler leurs fonds de tiroirs, pourtant fournis, que sortir leurs vraies cartouches. Faute d’avoir organisé leur espace de manière homogène, ces derniers étaient marris des faibles résultats commerciaux. D’autres comme Di Meo (Paris) et Die Galerie (Francfort) sont aussi restés sur leur faim, malgré des accrochages autrement plus attractifs.
La nette amélioration du niveau moderne n’a fait que rendre plus criante l’indigence du contemporain. On reste perplexe devant les confondantes montres molles de Dalí chez County Hall Gallery (Londres) ou le trop-plein de Peter Klasen récents. Déception aidant, il était tentant de lorgner sur les œuvres de qualité supérieure accrochées au Pavillon des antiquaires des Tuileries, notamment chez Darga & Lansberg (Paris). Dans un marché raréfié, les doublons font toujours sourire, en l’occurrence une belle composition noir et blanc de 1919-1921 affichée pour 110 000 euros chez Zlotowski au Pavillon, et dont une version voisine se retrouvait à la galerie Samuel (Paris) pour 65 000 euros sur Art Paris !

« Poche cousue »
Le voisinage avec le Pavillon des antiquaires n’a d’ailleurs pas été synergique, surtout lors du vernissage du premier qui a coïncidé avec la nocturne d’Art Paris. Le flux de visiteurs du salon du Carrousel, à majorité parisien, s’est d’ailleurs révélé moins dense que d’habitude. « Ce n’est pas aussi idyllique qu’on l’espérait ; c’est la première édition au printemps, donc nous sommes forcément perçus comme un nouveau salon. Certains visiteurs de l’automne n’ont pas compris que l’on avait changé de date », admet le directeur d’Art Paris, Henri Jobbé-Duval. Le commerce semble aussi peu trépidant ou du moins en dents de scie, malgré quelques exceptions notables comme Les Yeux Fertiles (Paris), dont l’accrochage plusieurs fois renouvelé comptait une gouache de Tanguy cédée pour 130 000 euros. « C’est poche cousue. On sent un désintérêt qui n’est pas propre à la foire mais à l’ambiance générale du marché parisien », regrette Samy Kinge (Paris) qui a toutefois cédé deux Martial Raysse (48 000 euros chacun). Rares ont été les enseignes à vendre au-delà de 50 000 euros, le plafond constaté aussi sur la Foire internationale d’art contemporain (FIAC). « Aucune nouvelle galerie ne m’en veut de l’avoir entraînée à faire Art Paris », observe pourtant Marcel Fleiss, directeur de la Galerie 1900-2000, qui a drainé dans son sillage de nouveaux exposants. « Il y a des gens plus ou moins satisfaits, mais environ 70 % de satisfaits. Il est en tout cas certain que je referai la foire. » Art Paris est indéniablement sur la bonne voie, mais beaucoup reste encore à faire.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°213 du 15 avril 2005, avec le titre suivant : Un timide printemps

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