Estampe

Bonjour Miss Cassatt !

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 15 avril 2005 - 660 mots

À Giverny, le Musée d’art américain revient sur le parcours singulier de la protégée d’Edgar Degas.

 GIVERNY - Le printemps est là, l’heure pour le Musée d’art américain de Giverny de sortir de son hibernation. Pas moins de trois expositions viennent redonner des couleurs aux murs de la Terra Foundation for American Art, qui a élu domicile dans le fief impressionniste de l’Eure en 1992. La plus intéressante est sans conteste « Mary Cassatt. Impressions », un hommage au travail de graveur de l’artiste américaine protégée d’Edgar Degas.
Inévitablement desservie par l’appellation réductrice de « femme peintre », Mary Cassatt est souvent placée dans l’ombre du groupe impressionniste dont elle était l’une des égéries. L’histoire de l’art est
malheureusement orpheline de la correspondance qu’elle a entretenue avec son mentor, Edgar Degas. Car c’est là que réside le mystère Cassatt : qu’avait-elle donc de si particulier pour trouver grâce aux yeux de ce personnage connu pour son irascibilité et sa misogynie ? Le « peintre des danseuses » a en effet guidé et soutenu la jeune artiste jusqu’au bout. Ou lorsque l’art transcende la nationalité, la langue, la culture, le rapport de classe et surtout de genre. À partir de 1879, c’est main dans la main qu’ils ont exploré l’estampe, un art mineur jusque-là réservé à la reproduction. Leur but ultime alors était d’illustrer La Nuit et le Jour, le journal que Ludovic Halévy souhaitait lancer et dont le projet n’a jamais abouti. La diversité des états les passionne, c’est-à-dire l’évolution esthétique entre chaque tirage, où l’encre disparaît peu à peu et prend des aspects variés. Ils s’amuseront d’ailleurs à présenter dans des expositions une même gravure dans plusieurs états.
Ce travail est aujourd’hui exposé grâce au dépôt légal. Le musée a en effet largement bénéficié du concours du Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale de France, lequel possède tous les tirages édités par le marchand de Mary Cassatt, Durand-Ruel. À ces tirages s’ajoutent les aquatintes détenues par la Terra Foundation, des œuvres qui montrent la volonté de l’artiste de rechercher de nouveaux procédés de production. Tombée sous le charme de l’estampe japonaise lors d’une exposition à l’École des beaux-arts de Paris où son amie Berthe Morisot l’avait entraînée en 1890, Mary Cassatt décide alors d’acquérir une presse. Elle s’attaquera elle-même à la production d’estampes colorées pour en créer une vingtaine, un chiffre qui cesse de paraître modeste devant la complexité de l’opération. Douze exemples sont visibles à Giverny, parmi lesquels les célèbres La Toilette et La Lettre, dans un accrochage simple à la lecture aisée, dont l’ambition est de mettre en lumière ce pan méconnu de la production de l’artiste.

Intimité physique
Sophie Lévy, conservateur du musée et commissaire de l’exposition, évoque le caractère « radical » de l’œuvre de l’artiste, sa capacité à renouveler un genre et son « inventivité étonnement plus intéressante dans son travail de gravure que dans celui de peinture ». Sans doute ce sens de l’exploration a-t-il su charmer le rigide Degas. Mary Cassatt parvient, par exemple, à traiter d’une manière résolument moderne le thème de la mère et l’enfant, considéré comme « convenable » pour une femme peintre. Ses aquatintes japonisantes, bannissant tout modelé et toute idée de perspective, représentent des femmes au naturel. Ces « instants volés » dénotent un lien charnel assez fort entre la mère et son enfant, une intimité physique absente de toutes les représentations du thème à l’époque. En illustrant cette sensualité, Mary Cassatt déjoue le piège de la sphère domestique où sont relégués les membres du sexe faible. Elle devient, par la même occasion, une artiste à part.

MARY CASSATT. IMPRESSIONS, jusqu’au 3 juillet ; DE HOMER À HOPPER, jusqu’au 3 juillet ; LE PASSAGE À PARIS, jusqu’au 30 octobre, Musée d’art américain, Terra Foundation for American Art, 99, rue Claude-Monet, 27620 Giverny, tél. 02 32 51 94 65, www.maag.org, tlj sauf lundi 10h-18h. Catalogue Mary Cassatt. Impressions, coéd. Musée d’art américain/ Éditions du Passage, 94 pages, ISBN 2-84742-075-4.

De Paris à Princeton

Parallèlement à « Mary Cassatt. Impressions », le Musée d’art américain revient sur le pèlerinage français des élèves peintres américains dans « Le Passage à Paris. Les artistes américains en France, 1860-1930 », un accrochage de toiles issues des collections du musée. Après le Detroit Institute of Art en 2003, c’est au tour du Musée universitaire de Princeton, dans le New Jersey, de prêter pour la première fois en Europe un ensemble de 75 dessins de ses collections. « De Homer à Hopper : dessins et aquarelle du Princeton University Art Museum » met en lumière les grands axes de la créativité américaine : les dessins bucoliques de la Hudson River School, les théories réalistes de la Ash Can School et l’étonnant classicisme des expressionnistes abstraits.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°213 du 15 avril 2005, avec le titre suivant : Bonjour Miss Cassatt !

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