Elisabeth Pénisson, Vesunna, Musée gallo-romain de Périgueux

Apollon, un dieu guérisseur en Gaule

Le Journal des Arts

Le 27 mai 2005 - 577 mots

Élisabeth Pénisson, conservatrice en chef de Vesunna, Musée gallo-romain de Périgueux, présente un Apollon au torque.

Une figurine typiquement gallo-romaine, Apollon paré d’un torque gaulois, a trouvé sa place dans le nouveau Musée gallo-romain de Périgueux, Vesunna.
En juin 1995, des spéléologues exploraient la grotte de Male Coste sur un terrain privé de la commune de Saint-Amand-de-Coly (Dordogne). En dégageant l’éboulis qui obturait le fond de la grotte, ils découvrirent des fragments de mobilier archéologique (un peu de faune, des tessons de céramique gauloise et gallo-romaine, quelques éléments métalliques). Parmi ceux-ci se trouvaient une figurine d’Apollon en bronze et son socle portant une dédicace, d’une hauteur totale de 12,1 cm. Datée du IIe siècle de notre ère, cette pièce est caractéristique de la culture gallo-romaine, dont les racines celtes sont enrichies des apports du monde romain : sous les traits d’un dieu romain, Apollon chasseur et musicien, se cache un dieu gaulois au cou paré d’un torque.

Racines gauloises
Le dieu nu, debout, est en appui sur la jambe droite. Il porte une couronne de lauriers et la coiffure est soignée. Une raie centrale sépare les cheveux, coiffés en bandeau, regroupés en chignon sur la nuque, deux mèches restant tombantes sur les épaules. Les détails du visage sont plus maladroits. Apollon porte un carquois maintenu par un baudrier sur l’épaule droite.
Le bras gauche est tendu le long du corps et la main devait s’appuyer sur une lyre qui n’a pas été recueillie. Le petit objet courbe tenu de la main droite est probablement un plectre, permettant de jouer de l’instrument.
Le torque autour du cou traduit les racines gauloises de la divinité.
Le contexte de la découverte ne permet malheureusement pas de déterminer avec certitude l’origine archéologique de cette figurine : a-t-elle été entraînée de la surface vers le fond de la grotte par un soutirage karstique, ou bien a-t-elle été cachée ici intentionnellement durant l’Antiquité ? Le texte de l’inscription pousse à pencher pour la seconde hypothèse.
Sur le socle, l’inscription en capitales cursives est la suivante : « Pompeius Recinus Apolini ex uissu ». Sa traduction « Pompeius Recinus/Reginus, à Apollon, à la suite d’une vision », nous indique que Pompeius Récinus (ou Reginus) a dû faire cette offrande à Apollon à la suite d’un rêve.
Le donateur sollicite donc la réalisation d’un vœu très cher auprès d’Apollon, vénéré en Gaule comme un dieu guérisseur lié à l’eau et d’origine celtique.

Surnom celte
Cet ex-voto témoigne de la relation forte entre le dieu et son fidèle, qui fait partie d’une des grandes familles de notables pétrucores, les Pompei. Il prouve l’enracinement des traditions religieuses indigènes chez les Gallo-Romains, pourtant totalement romanisés. Il faut le rapprocher d’un autel en pierre calcaire provenant de Périgueux, daté de la fin IIe ou du début du IIIe siècle, également exposé au musée Vesunna. Marcus Pompeius Libo, prêtre à l’autel de Lyon, y dédie les restaurations des thermes et du temple de la Tutelle à Apollon Cobledulitavus. C’est, là encore, un membre de la famille des Pompei qui s’adresse à Apollon et lui associe un surnom celte (cobledulitavus, « le Guérisseur »). Cette figurine a été achetée par la Ville de Périgueux en 2002, avec l’aide du Fonds régional d’acquisition pour les musées (FRAM), cofinancé par l’État et la Région Aquitaine.

Vesunna, Musée gallo-romain de Périgueux (Dordogne), parc de Vésone, 20, rue du 26e-R.I., 24000 Périgueux, tél. 05 53 53 00 92, tlj sauf lundi, 10h-12h30 et 14h-18h (tlj 10h-19h en juillet-août).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°216 du 27 mai 2005, avec le titre suivant : Apollon, un dieu guérisseur en Gaule

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