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Proche-Orient

Le Musée d’Israël fête ses 40 ans

Par Cristina Ruiz · Le Journal des Arts

Le 10 juin 2005 - 817 mots

JÉRUSALEM / ISRAËL

L’institution est en train de faire sa révolution. Son nouveau directeur, l’Américain James Snyder, la place au cœur d’une vaste opération de marketing.

JÉRUSALEM - The Israel Museum (Musée d’Israël) de Jérusalem, la plus importante institution culturelle du pays, célèbre cette année son 40e anniversaire. Célèbre pour les manuscrits de la mer Morte qu’il conserve, le musée s’est considérablement transformé depuis l’arrivée à sa tête, en 1996, de l’Américain James Snyder. Il organise désormais quelque 30 expositions par an, dont bon nombre circulent à l’étranger. Il s’est aussi doté d’un ambitieux programme éducatif qui s’adresse aussi bien aux musulmans et aux chrétiens qu’aux juifs. En outre, ses collections se sont enrichies dans les domaines de la peinture européenne et de l’art contemporain – un pari particulièrement difficile pour ce musée qui perçoit peu d’argent de l’État, n’a pratiquement pas de fonds d’acquisition, et doit compter presque exclusivement sur les dons provenant de la diaspora juive.
L’une des premières tâches de James Snyder consiste par conséquent à attirer des financements. À cette fin, le directeur a récemment achevé une tournée en Europe, aux États-Unis et en Amérique du Sud, organisant notamment une réception à Waddesdon Manor, la plus fastueuse des demeures des Rothschild en Grande-Bretagne, et un dîner à Versailles. Décrit par l’intéressé comme « une soirée d’effroi et de terreur », il a accueilli au château quelque 700 grands de ce monde, dont beaucoup étaient les hôtes du propriétaire de Christie’s, François Pinault. Ce travail relationnel se montre rentable puisque James Snyder a enrichi les collections du musée d’œuvres remarquables, dont La Destruction et le sac du Temple de Jérusalem de Nicolas Poussin, acquis pour 7,2 millions de dollars en 1998 (6,55 millions d’euros) grâce à un don de Yad Hanadiv, la fondation des Rothschild en Israël. Mais la générosité des donateurs du musée n’est pas sans poser problème. « La majeure partie du fonds est concentrée sur des spécialités que les juifs collectionnaient traditionnellement, de sorte que nous détenons par exemple le plus grand ensemble d’art religieux juif au monde ; et que nous possédons une douzaine de Pissarro, un artiste juif. Mais j’aimerais beaucoup que l’on nous fasse don d’un bon Gauguin », indique James Snyder, et d’ajouter « et d’un bon Picasso cubiste ».
Avant de diriger le Musée d’Israël, James Snyder a travaillé pendant vingt-deux ans au MoMA [Museum of Modern Art] à New York dont les dix derniers comme directeur adjoint. S’il ne s’était jamais rendu en Israël auparavant, il a franchi le pas parce qu’« il n’est pas si fréquent que l’on vous demande de diriger le musée national d’un autre pays ». Qui plus est, un musée qui joue un rôle unique dans le paysage politique d’Israël. Son fondateur n’est autre que Teddy Kollek, directeur général des services du Premier ministre sous David Ben Gourion, puis maire de Jérusalem de 1965 à 1993. Teddy Kollek a beaucoup œuvré pour qu’Israël place la culture au centre de son identité nationale, et plaidé pour la création d’un musée national. Il y était parvenu malgré l’opposition de nombre d’hommes politiques de l’époque qui jugeaient qu’un pays jeune, pauvre et en guerre avec ses voisins avait d’autres priorités que la création d’une grande institution culturelle.

Diplomatie culturelle
Durant ces quatre décennies, le musée, installé au sommet d’une colline dominant Jérusalem, a joué un rôle politique important, tout en ne se manifestant que sotto voce. « Nous ne prenons pas de positions politiques, assure J. Snyder, ce que nous faisons relève de la diplomatie culturelle. » À preuve la grande exposition itinérante que le musée a organisé en Allemagne pour marquer le quarantième anniversaire de l’établissement de relations diplomatiques avec Israël, « Les nouveaux Hébreux, un siècle d’art en Israël », incluant quelque 700 œuvres (jusqu’au 5 septembre au Martin-Gropius-Bau à Berlin). « Elle est accompagnée d’un catalogue en allemand qui traite de l’art israélien ! », souligne fièrement James Snyder.
Parfaitement rompu aux pratiques de relations publiques et du marketing qui font la force des musées américains, le directeur a dû essuyer les vives réactions de ses conservateurs lorsqu’ils ont débattu du programme d’expositions pour l’anniversaire du musée : « Je me suis rendu compte que nous devions prendre une seule œuvre d’art comme symbole de cette célébration. Quand je leur ai dit que j’avais retenu notre Vénus romaine du IIe siècle [statue d’un paganisme provocant], leur première réponse a été : “Vous êtes fou ?” » La statue occupe pourtant la place d’honneur dans l’exposition « Beauty and Sanctity », qui propose, selon James Snyder, « d’explorer l’idée que les beaux objets religieux ou esthétiques peuvent incarner la sainteté » (jusqu’au 29 octobre). C’est aussi le message d’un héritage culturel commun et d’une tolérance mutuelle que le musée ne cesse de développer sous de multiples formes. « Nous faisons ce que nous pouvons pour édifier une culture de tolérance », conclut James Snyder.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°217 du 10 juin 2005, avec le titre suivant : Le Musée d’Israël fête ses 40 ans

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