Trois questions à

Christian Deydier, président du Syndicat national des antiquaires (SNA) et antiquaire spécialisé en archéologie chinoise

« Les experts de Drouot devraient tous être agréés »

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 24 juin 2005 - 743 mots

 Comment se porte le marché de l’art chinois ?
Il se porte bien, sauf qu’il y a de moins en moins d’archéologie en circulation. Les pièces que l’on voit le plus passer en vente publique sont surtout des porcelaines et des objets de lettré pour lesquels les prix sont astronomiques. Et tout ce qui est dans le goût chinois fonctionne bien. Pour l’archéologie pure, seul le marché américain est fort, en particulier à New York où les enchères sont délocalisées. Le marché européen tourne au ralenti, à part Londres, où se déroulent encore des ventes. Quant au marché français, on peut carrément dire qu’il est mort. Les collectionneurs sont inexistants ou délocalisés à Londres ou Bruxelles (pour des questions de fiscalité). Les vendeurs français s’adressent systématiquement à Christie’s et Sotheby’s, qui dispersent la marchandise ailleurs. L’expert parisien Thierry Portier pourra vous confirmer que peu de choses importantes sont passées en vente publique dans l’Hexagone. J’ai retenu une paire de petites potiches balustres du XIXe siècle en porcelaine émaillée vert, décorée en émaux polychromes de médaillons d’enfants, vendue 235 280 euros chez Tajan le 18 mai, et un brûle-parfums en jade provenant du palais d’Été, cédé 101 430 euros chez Rouillac à Cheverny le 6 juin. Pour les bronzes, une spécialité pointue dans laquelle je suis spécialisé, vous avez peu de chance d’en voir en salle de ventes en France. Les pièces recherchées sont ceux de la dynastie Shang [XVIe-XIIe siècle av. J.-C.]. Ils valent dans le commerce entre 100 000 et 2 millions d’euros, selon la qualité de la fonte et la rareté de la forme. Et quand il en passe une à Drouot, on appelle cela une « casserole » car c’est tardif, c’est-à-dire d’époque Han [206 av. J.-C.-220 ap. J.-C.]. Mon autre domaine de prédilection est l’orfèvrerie chinoise. Il s’agit de pièces rarissimes, pour lesquelles les transactions se passent entre personnes, à partir de 50 000 euros pour les petites pièces jusqu’à 2 millions d’euros pour les plus beaux morceaux. Je ne montre ce genre de trésors qu’à la Biennale des antiquaires. Et pour les bronzes ou l’orfèvrerie, les prix sont en forte progression, surtout pour les chefs-d’œuvre dont la valeur a décuplé en vingt ans.

Quelles sont vos dernières rencontres avec les objets d’art ?
J’ai vu en juin à Bruxelles, au salon du Art Home sur les grandes civilisations, une exceptionnelle tête romaine en marbre figurant un général du IIe siècle av. J.-C. et un buste grec de Zeus en bronze datant de 460-450 av. J.-C., dans une fonte extraordinaire, sur le stand de la galerie new-yorkaise Ariadne. À l’Asia Week de New York, en avril, j’avais aussi remarqué un grand et beau bronze doré tibétain du Cachemire du VIIIe siècle, exposé chez l’Italien Carlo Cristi. Dommage que l’on ne voit rien de tout cela à Paris.

Quelle est votre actualité ?
Elle est double. Le Salon du collectionneur que le SNA gère cette année en direct redémarre en septembre. La deuxième édition est sans doute la plus dure : on ne peut plus compter sur les locomotives qui sont venues la première fois par solidarité, pas plus sur ceux qui ont obtenu une place à la Biennale des antiquaires 2006. On a tout de même réussi à améliorer et à rendre plus uniformes les secteurs « Mobilier & Objets d’art » et « Tableaux-Dessins-Sculptures ». La partie « Antiquités classiques » s’est aussi étoffée. Et c’est toujours aussi bien huilé pour les arts d’Asie et du feu. Mon autre actualité concerne mon entrée au Conseil des ventes. C’est une chance que de faire partie de cet organisme officiel, dont le rôle est de rappeler la loi mais aussi de faire en sorte qu’elle soit modifiée si nécessaire et d’amener des idées pour renforcer et développer le marché français. Le Conseil des ventes a les moyens financiers et relationnels pour faire bouger les choses. Il faudrait d’abord revoir le problème des experts, modifier les critères d’obtention de l’agrément. Cela va peut-être faire hurler beaucoup de gens, mais je pense que les experts travaillant à Drouot devraient tous être agréés de façon obligatoire. C’est un système qui se rapproche de la liste des experts de l’avant-réforme. Il faut arrêter les hypocrisies et permettre plus de libéralisme pour donner au marché français les mêmes atouts qu’aux places anglo-saxonnes. Par exemple, donner l’autorisation aux commissaires-priseurs et experts d’acheter en salles des ventes. Plus il y a d’interdictions, plus il y a de magouilles.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°218 du 24 juin 2005, avec le titre suivant : Christian Deydier, président du Syndicat national des antiquaires (SNA) et antiquaire spécialisé en archéologie chinoise

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