Suisse - Fondation

Musée privé

La Fondation Beyeler en quête d’équilibre

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 23 septembre 2005 - 890 mots

Face à un déficit persistant, cette institution renommée devra à terme trouver de nouveaux financements, notamment publics.

RIEHEN (Bâle) - « Not for sale. » Voilà ce qu’ont entendu les acheteurs alléchés par les tableaux présentés par Ernst Beyeler sur le salon Art Basel en juin. Après avoir murmuré en 2004 qu’il renonçait à participer à la foire, le galeriste bâlois a finalement consenti à un dernier tour de piste avec des œuvres magnifiques issues de sa fondation. Juste pour le plaisir des yeux. D’aucuns ont vu dans ce choix la semi-retraite du patriarche âgé de 84 ans. On pourrait aussi y deviner un besoin de valoriser une fondation en quête de financements.

Avec ses larges ouvertures vitrées et ses lignes sobres dessinées par Renzo Piano, la Fondation Beyeler à Riehen, près de Bâle (Suisse), s’est imposée depuis son ouverture en 1997 comme l’un des plus beaux tabernacles de l’art du XXe siècle. Même si sa notoriété excède largement les frontières helvétiques, il est aujourd’hui nécessaire d’en garantir la pérennité, au-delà de la personnalité d’Ernst Beyeler qui lui sert de poumon. Actuellement, la moitié du budget annuel de fonctionnement de 14 millions de francs suisses (plus de 9 millions d’euros) provient des billets d’entrée. Le canton de Bâle-Ville assure pour sa part une contribution annuelle de 1,8 million de francs suisses. Le déficit de fonctionnement de 3,5 millions de francs suisses est toutefois absorbé par la galerie Beyeler (2 millions) et Ernst Beyeler en personne. « Ce sera un grand problème quand Ernst Beyeler ne sera plus là. On aimerait arriver à une situation où le canton paierait davantage », confie le directeur de la Fondation, Christoph Vitali. Garantie statutairement jusqu’en octobre 2007, la subvention du canton reste modique au regard des 34 millions de francs suisses versés par les autorités au théâtre de Bâle ou des 15,2 millions dévolus à l’orchestre symphonique. Il semble toutefois improbable que l’obole cantonale soit revue à la hausse alors même que des coupes de 8,5 millions de francs suisses sont prévues au budget culturel de 2006. « Nous ne pouvons rien dire sur l’avenir. La situation est encore intensément discutée dans l’administration. Il y aura certainement une forme de subvention, car la Fondation est importante », déclare Michael Koechlin, responsable des affaires culturelles du canton de Bâle-Ville.

De son côté, la galerie ne pourra pas éternellement éponger les pertes de la Fondation, d’autant plus qu’Ernst Beyeler semble avoir levé le pied. Bien que le négoce prête au marchand américain Larry Gagosian des vues sur son stock, le vieux renard bâlois botte en touche sur la question de sa relève. « Claudia Neugebauer continue à diriger la galerie. Quand elle sera à la retraite, peut-être faudra-t-il voir pour la suite », indique Ernst Beyeler avec sa placidité habituelle, tout en précisant : « Nous n’avons pas à la galerie l’activité commerciale que nous avions. La galerie sera peut-être un jour la succursale en ville de la Fondation, une vitrine. On doit donc trouver d’autres moyens pour faire vivre la Fondation. Des collectionneurs privés, isolés pour le moment, nous ont promis de nous aider. Ce groupe d’industriels privés n’a pas encore été formé en comité, mais le sera peut-être d’ici un ou deux ans. » La collection ne pourra par ailleurs s’enrichir que moyennant de nouvelles rentrées de fonds. Les acquisitions de la Fondation se révèlent en effet plus espacées, en dépit de l’achat récent d’un Picasso de 1966.

Aura personnelle
Indépendamment de la question financière, l’aura personnelle d’Ernst Beyeler a souvent facilité la plupart des grandes expositions organisées à la Fondation. « Les expositions exceptionnelles pouvaient être montées grâce aux quatre ou cinq coups de fil qu’il pouvait passer. C’était lié à ses relations et amitiés, souligne Michael Koechlin. S’il fallait payer les prêts au prix normal du marché, la situation serait très différente. Il est clair que le canton a une responsabilité envers la Fondation, mais il ne pourra résoudre le problème tout seul. »

La Collection Hauser & Wirth prend ses quartiers à Henau

En Suisse toujours, la collection d’art contemporain montée par la galeriste Ursula Hauser et son associé et non moins gendre Iwan Wirth a déménagé en janvier de ses 2 500 mètres carrés d’exposition de Saint-Gall pour les locaux plus spacieux d’une ancienne manufacture textile située à Henau, toujours dans le canton de Saint-Gall. « Nous essayons aujourd’hui de faire quelque chose de plus privé, dans l’esprit du Schaulager près de Bâle. C’est un entrepôt et un laboratoire flexible, un nouveau concept », mentionne Michaela Unterdörfer, conservatrice de la collection. Le déménagement dans cet espace de près de 10 000 m2 permettra de déployer une grande partie des 1 800 pièces de la collection. « À Saint-Gall, je ne pouvais pas montrer ce que j’avais envie, mais ce que l’espace commandait, poursuit Michaela Unterdörfer. Dans les nouveaux locaux, nous comptons faire des espaces d’exposition permanente pour Louise Bourgeois et Dieter Roth. J’aimerais aussi créer un video lounge. Je peux aussi réagir plus vite sur les nouvelles pièces de la collection, qui grossit rapidement. Le fait de ne plus être obligé de l’ouvrir au public permet une autre relation à la collection et aux artistes. » Les professionnels, curateurs, artistes et historiens de l’art auront prioritairement accès à la collection. Un concept à mi-chemin entre espace d’exposition et lieu d’étude.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°221 du 23 septembre 2005, avec le titre suivant : La Fondation Beyeler en quête d’équilibre

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