e-solex

Solex aequo

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 21 octobre 2005 - 619 mots

D’aucuns pensent qu’il suffit aujourd’hui pour être branché de faire précéder un mot de la lettre « e », comme « électrique » ou « électronique ». Depuis l’essor d’Internet, la méthode est on ne peut plus ordinaire. L’un des premiers mots à avoir été formé ainsi a été le fameux « e-mail », ou courrier électronique. Au dernier Mondial du deux-roues, qui s’est tenu à Paris du 1er au 9 octobre, on a pu voir le prototype d’un « e-Solex », descendant New Age de l’ancêtre Solex. Un revenant ? presque. Le groupe français Cible a en effet racheté l’an passé à Magneti Marelli, filiale de Fiat, les marques Solex, VéloSolex et Solexine, en vue « de développer le Solex du XXIe siècle » : en clair, un deux-roues à propulsion électrique. Cible a, pour l’occasion, confié le bébé à l’agence de design italienne Pininfarina, célèbres stylistes automobile (Peugeot, Ferrari, Alfa Romeo, Maserati…). Le résultat est pour le moins mitigé. Un moteur électrique a donc été placé dans le moyeu de la roue arrière. La poutre centrale du cadre s’est, elle, considérablement épaissie pour accueillir la batterie. Comme son aîné, le e-Solex pèse quelque 35 kilos et roule à 35 km/h environ. Et comme son aîné, des pédales permettent, en cas de panne électrique, d’utiliser le e-Solex comme un simple vélo. En revanche, pour conserver ce style rétro cher au modèle d’origine, Pininfarina n’a pas hésité à garder l’un des signes emblématiques du deux-roues créé en 1940 par Marcel Mennesson : le légendaire cylindre noir juché sur la roue avant. Mais la coquille est désormais vide. Celle qui contenait jadis le moteur à explosions, qui était surmonté d’un délicat cylindre à ailettes et qu’on emplissait d’un mélange d’huile et d’essence – la fameuse Solexine –, est aujourd’hui devenue superflue. Pour l’image, et pour l’image uniquement, les designers transalpins ont donc maintenu cette forme, identifiable entre toutes, quitte à la transformer en un… mini-coffre. Et c’est là, sans doute, que le bât blesse. Il manque à cet e-Solex quelques-unes des caractéristiques qui ont fait du Solex d’origine un engin mythique. Le traditionnel mouvement de main pour actionner le levier-moteur. Les quelques mètres faits en courant afin que le galet entraîne ledit moteur. Ou encore, le doux bruit de ce moteur à deux temps. Bref, tout un petit rituel que Jacques Tati avait montré, avec poésie, dans Mon Oncle (1958), et qui fit la renommée de la firme Solex : 8 millions d’exemplaires vendus dans le monde, entre 1946 et 1988, date de l’arrêt de la production en France.
C’est sensiblement le créneau que tente de reprendre aujourd’hui une autre entreprise française, Mopex, qui, elle, plutôt que de regarder au rayon design, préfère surfer sur la vague vintage. Installée à Courrières, dans le Pas-de-Calais, la société commercialise depuis l’été dernier un clone du Solex, rebaptisé Black’n Roll sous peine de poursuites judiciaires par le groupe Cible, cité plus haut, propriétaire de la marque. L’essentiel des pièces – cadre, moteur, pot d’échappement, selle, pédales – provient… de Chine, mais l’ensemble est assemblé dans le nord de la France. Mopex, qui a déjà tracé des plans sur la comète, espère ainsi vendre 2 000 exemplaires cette année, 5 000 à 6 000 en 2006, et 20 000 d’ici cinq ans. Le Black’n Roll coûte 900 euros. L’e-Solex, dont la commercialisation est prévue pour le second semestre 2006 (si toutefois le passage du prototype à la réalité se fait sans problèmes majeurs), s’affichera, lui, à 950 euros. Vintage ou design, qui sait lequel va l’emporter ?

N.B. : On peut trouver des informations sur l’histoire du Solex sur www.solexin.free.fr ; sur le e-Solex sur www.pininfarina.it ; enfin, sur le Black’n Roll sur www.blacknroll.com.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°223 du 21 octobre 2005, avec le titre suivant : Solex aequo

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