Dessin

Feuilles secrètes du paysage français

Le Journal des Arts

Le 21 octobre 2005 - 522 mots

Issus du fonds Mathias Polakovits ou puisés dans les collections rouennaises, une soixantaine de dessins rendent compte de la diversité du paysagisme français au XVIIIe siècle.

 ROUEN - Léguée en 1987 à l’École nationale supérieure des beaux-arts (Ensba) de Paris, la collection de dessins français de Mathias Polakovits rend compte des différentes générations d’artistes des XVIIe et XVIIIe siècles qui se sont intéressées au paysage. Réunissant une trentaine de feuilles du XVIIIe, l’exposition proposée au Musée des beaux-arts de Rouen (et présentée au printemps dernier à l’Ensba) mêle quelques grands noms – Fragonard, Hubert Robert… – à des artistes méconnus ou oubliés, pour offrir un éventail varié de techniques et d’approches du sujet. Ce mélange correspond à l’esprit qui a toujours guidé le collectionneur dans ses choix, celui de privilégier l’intérêt d’une feuille plutôt que le nom de son auteur.
Deux ensembles composent la présente sélection. Les paysages de ruines d’abord, sujet de prédilection des artistes, le plus souvent exécutés lors du rituel voyage en Italie, notamment grâce aux expéditions organisées par l’abbé de Saint-Non vers le sud, à Naples et en Sicile. Fascinés par la beauté antique, ils en représentent avec minutie les vestiges, dans des techniques et des styles divers, bien mis en valeur dans l’accrochage. Le Colisée (Jacques François Amand et Louis Chaix), le cirque Massimo (Fragonard), le palais des Empereurs (Charles-Michel-Ange Challe), se trouvent donc au centre de compositions souvent de grands formats où la maîtrise technique et la précision de l’observation sont saisissantes. Parmi les feuilles les plus étonnantes, on remarquera un dessin de Jean-Laurent Legeay – Fantaisie architecturale avec deux tombeaux –, recomposition de l’antique dans une manière presque fantastique dans la lignée de Piranèse, et la Vue en coupe d’une grotte par Claude-Louis Châtelet, chef-d’œuvre de précision dans le rendu du détail.
Le second corpus, intitulé « Vérité et poésie », réunit des dessins davantage tournés vers l’idéalisation de la nature, dans une tradition de recomposition intellectuelle du paysage. Charles François de La Traverse magnifie la nature dans deux aquarelles d’une grande richesse chromatique. Un rare paysage de Jean-Philippe Sarazin – seulement cinq feuilles lui sont attribuées – ainsi que l’unique dessin connu de Nicolas André Courtois comptent parmi les pièces remarquables de l’exposition, au même titre que l’œuvre de Jean-Baptiste Maréchal (Cour de ferme), à la touche presque impressionniste, d’une liberté très moderne.
Pour compléter cette sélection, Diederik Bakhuÿs – conservateur au Musée des beaux-arts de Rouen – a choisi de montrer, dans une seconde salle, une trentaine de feuilles issues du cabinet des dessins du musée. Ces pièces font écho à celles du fonds Polakovits par une proximité de sujets et la coprésence de certains artistes dans les deux collections. L’accrochage dévoile notamment plusieurs dessins de Jean Hoüel et de Joseph-Benoît Suvée, vues d’Italie et paysages de ruines.
Deux ensembles d’œuvres cohérents, qui permettent de réelles découvertes sur un thème on ne peut plus classique.

PAYSAGISTES FRANCAIS DU XVIIIE SIÈCLE, DESSINS DE LA DONATION MATHIAS POLAKOVITS

Jusqu’au 12 décembre, Musée des beaux-arts, esplanade Marcel-Duchamp, 76000 Rouen, tél. 02 35 71 28 40, tlj sauf mardi 10h-18h. Cat. éd. Ensba, 64 p., 15 euros, ISBN 2-84056-172-7.

PAYSAGISTES FRANCAIS

La donation Mathias Polakovits comprend 3 000 dessins français. - Commissaire de l’exposition : Emmanuelle Brugerolles. - Nombre d’œuvres présentées : 60

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°223 du 21 octobre 2005, avec le titre suivant : Feuilles secrètes du paysage français

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque