FIAC

Villepin s’expose

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 21 octobre 2005 - 838 mots

Réelles avancées côté fiscal et flou artistique côté grands projets.

 PARIS - Depuis Georges Pompidou, aucun Premier ministre ne s’était exprimé publiquement sur les arts plastiques. Plutôt qu’une arène institutionnelle, Dominique de Villepin a symboliquement pris la parole le 10 octobre dans le cadre d’une foire commerciale, à la FIAC (lire p. 32). Il a aussi pris le soin de ne pas noyer les mesures en faveur des arts plastiques dans un discours général de politique culturelle. Les accents très gaulliens de ses « je souhaite », martelés en boucle, rappelait un certain « Je vous ai compris ! ». Dominique de Villepin semble avoir voulu répondre à certaines attentes des acteurs privés du monde de l’art.
Le train de mesures fiscales qui profite à la fois aux artistes, galeries, entreprises et particuliers mérite plusieurs précisions. L’abattement pour les artistes de 50 % sur leur vente d’œuvres durant les cinq premières années d’exercice en France ne sert que faiblement les jeunes créateurs, lesquels sont rarement imposables. En revanche, cette défiscalisation ferait de l’Hexagone une place alléchante pour les artistes étrangers. Imaginez l’économie que ferait en s’installant à Paris un Jeff Koons, dont l’impôt sur le revenu américain est corsé !
La formulation de Dominique de Villepin quant au nouveau régime de TVA pour les installations et vidéos peut être source de confusion. « Jusqu’à présent, ces œuvres étaient facturées à la revente à 19,6 % sur le prix de vente total. Dorénavant, elles bénéficieront de la TVA des œuvres d’art originales, c’est-à-dire de 19,6 % sur la marge réelle ou forfaitaire », précise Marie-Claire Marsan, déléguée générale du Comité des galeries d’art. Cette réduction de la TVA n’est pas un vain mot pour une galerie comme Chantal Crousel dont un tiers du chiffre d’affaires repose sur les ventes de vidéos. En ce qui concerne le droit de suite, le Premier ministre espère que le moratoire, dont bénéficie la Grande-Bretagne jusqu’en 2010 pour l’application du droit de suite aux artistes décédés, sera étendu à la France. Ce souhait risque de n’être qu’un vœu pieu dans la mesure où la suspension ne dépend pas du gouvernement français mais de la Commission européenne.
Les entreprises pourront quant à elles davantage profiter de la défiscalisation permise par la loi du 1er août 2003 relative au mécénat. En vertu de celle-ci, les sociétés qui achètent des œuvres d’artistes vivants peuvent soustraire de leurs résultats imposables une somme équivalente au prix de l’acquisition, cette déduction pouvant aller jusqu’à 5 % de leur chiffre d’affaires. L’impact de cette mesure avait été minoré par l’instruction du 13 juillet 2004, imposant aux entreprises de présenter les œuvres achetées au public. Désormais, celles-ci pourront se contenter de déployer les achats dans des lieux accessibles à leurs employés et clients.
Quid des collectionneurs privés, lesquels réclament depuis longtemps un signe en leur faveur ? Dorénavant, les particuliers pourront proposer en dation des œuvres d’art contemporain pour régler des droits de succession ou l’ISF. D’après nos informations, deux autres projets non annoncés seraient dans les cartons. Le premier concerne la possibilité de prêts sans intérêt pendant trois ans pour l’achat d’œuvres d’art d’une valeur maximum de 7 000 euros, initiative empruntée au modèle hollandais. Mais il faut pour cela que la fédération bancaire française donne son aval. Une autre mesure de défiscalisation encore à l’étude pourrait aussi être ordonnée par le président de la République.
Derrière les avancées concrètes, d’autres annonces font office de deus ex machina, comme la création d’un auditorium, lequel, souhaité puis abandonné, semble incongru dans ce pack « arts plastiques ». Le discours quant à l’éducation artistique prête aussi à sourire lorsqu’on sait que le gouvernement a supprimé les classes à projet artistique et culturel (classe à PAC) mises en place en 2001-2002 par Jack Lang et Catherine Tasca. D’autres promesses sont nimbées d’un flou artistique, comme l’installation sur l’île Seguin d’un « Centre européen de la création contemporaine », dont une partie des activités serait gérée par une future « Fondation pour la création en France ». Le conseil général des Hauts-de-Seine a indiqué à la suite de l’allocution du Premier ministre que ce projet serait étudié, sans être pour autant prioritaire. L’idée fera-t-elle les frais des dissensions entre Dominique de Villepin et le président des Hauts-de-Seine, Nicolas Sarkozy ? « Tout dépend de ce qu’on appelle prioritaire. Nous sommes engagés depuis six mois dans la réalisation de la partie scientifique de l’aménagement de l’île. Le projet du Premier ministre, s’il n’est prioritaire dans le temps, est du moins positif. L’État paraît enfin s’intéresser à l’île Seguin », nous a déclaré Jean-Louis Subileau, directeur général délégué de la société d’aménagement d’économie mixte (SAEM) Val-de-Seine. Reste encore à trouver les financements ! Tout en évoquant l’exposition d’artistes français, prévue a priori au printemps-été 2006 au Grand Palais, le Premier ministre est resté discret sur l’éventualité d’un Whitney français. Un rêve qui pour le moment se résume à la programmation de monographies d’artistes dans un espace de 4 500 m2 encore non exploité au Palais de Tokyo.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°223 du 21 octobre 2005, avec le titre suivant : Villepin s’expose

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