Profession

Urbaniste

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 18 novembre 2005 - 735 mots

Fabriquer la ville : telle est la lourde responsabilité de ces professionnels du cadre de vie, qui imaginent l’organisation des cités de demain.

Dans un éditorial de la revue Urbanisme (n° 304, janvier-février 1999), Thierry Paquot, philosophe et professeur à l’Institut d’urbanisme de Paris, s’interrogeait : «  Qui connaît le nom d’un urbaniste ? Faites le test autour de vous. Les personnes interrogées donneront, après réflexion et hésitation, deux ou trois noms d’architectes, sans trop pouvoir les dater ni citer quelques-unes de leurs réalisations, mais aucun nom d’urbaniste. » Un constat objectif et pourtant paradoxal lorsque l’on considère l’importance de cette profession. N’est-ce pas l’urbaniste qui modèle notre cadre de vie, pense l’aspect de la ville et en anticipe l’évolution ? « Ce manque de reconnaissance est une véritable injustice par rapport à l’énorme responsabilité sociale que nous assumons », confirme Nicolas Michelin, architecte-urbaniste, qui admet que les erreurs du passé se paient encore aujourd’hui. Ce dernier appartient à une génération « qui reconstruit la ville sur la ville » et tente de réparer les injures perpétrées dans les banlieues ou les zones périurbaines. Peu médiatisé, l’urbanisme est aussi une matière relativement jeune, dont l’enseignement ne serait pas encore, aux dires de certains, suffisamment structuré. Le terme n’apparaît en effet qu’en 1910, forgé par une élite intellectuelle – géographes, historiens ou sociologues –, consciente de l’importance grandissante des mutations de la ville. Une empreinte pluridisciplinaire qui demeure encore aujourd’hui une caractéristique de l’enseignement.

Assurer la maîtrise d’œuvre
Dans ce vaste champ qu’est l’urbanisme, il faut toutefois dissocier deux types de métiers. D’une part celui du professionnel qui intervient en amont du projet, et réalise des études de faisabilité ou de planification, le plus souvent pour le compte d’une collectivité ou de l’État. Sa formation lui permet de disposer de solides compétences en sociologie, droit, économie, histoire, finances locales…, souvent indispensables à la compréhension du tissu urbain. D’autre part celui de l’urbaniste qui produit un projet et intervient à l’échelle d’un quartier ou de la ville en assurant la maîtrise d’œuvre des espaces publics. C’est dans ce deuxième secteur que les architectes-urbanistes se sont imposés. « Architecture et urbanisme sont parfaitement entremêlés », explique François Leclercq, enseignant à l’école d’architecture de Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne) et associé de l’agence parisienne Dusapin-Leclercq. Ne se déclare pourtant pas urbaniste qui veut : « Il ne s’agit pas de faire de l’architecture à l’échelle de l’urbain, précise Nicolas Michelin, mais de penser un projet avec une stratégie évolutive. » Donc accepter l’idée frustrante de laisser un projet inachevé. « Nous sommes là pour initier des choses qui seront enrichies ou modifiées par d’autres. Contrairement à l’architecture, il n’y a pas d’idée d’œuvre absolue », renchérit François Leclercq.

Travail d’équipe
Parmi les qualités requises : le goût de la médiation et de la concertation. Qu’il œuvre dans le privé (agence d’architectes mais aussi bureau d’étude, entreprise du bâtiment ou de travaux publics) ou dans la fonction publique nationale ou territoriale – cette dernière étant devenue grosse pourvoyeuse d’emplois depuis les lois de décentralisation –, l’urbaniste ne travaille jamais seul et s’entoure d’une équipe de spécialistes (ingénieurs, sociologues, paysagistes…). En mettant son travail au service de la collectivité, il doit aussi assumer l’interface entre la connaissance de l’urbain et les décideurs. « C’est un métier passionnant, car nous sommes au centre d’un système », explique François Leclercq. Une position clef qui peut parfois susciter une attente démesurée chez quelques responsables locaux, désabusés face à la gestion de quartiers sensibles. Et si l’architecture offre aujourd’hui des perspectives peu encourageantes pour les jeunes diplômés, l’urbanisme, profession jeune et féminisée, fait au contraire l’objet d’une très forte demande. D’autres champs continuent par ailleurs d’enrichir la matière, telle l’écologie urbaine, qui pourrait contribuer à redorer le blason d’une profession encore associée aux errements de la Charte d’Athènes.

Formations

- Écoles d’architecture : certaines d’entre elles dispensent une formation post-diplôme d’architecte et délivrent un diplôme de spécialisation et d’approfondissement (DSA) d’architecte-urbaniste. - Instituts d’urbanisme : 14 universités françaises hébergent un institut spécialisé. Recrutement : après une licence (droit, histoire, géographie, sociologie…). Formation sur deux ans. Les universités proposent par ailleurs de nombreux troisièmes cycles, dans les filières citées précédemment. À noter : contrairement aux architectes, le titre d’urbaniste n’est pas protégé. En théorie, aucune formation spécifique n’est donc exigée. Renseignements : Conseil français des urbanistes (CFDU) : 11, rue de la Gare, 94230 Cachan, tél. 01 46 64 53 43, http://www.cfdu.org

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°225 du 18 novembre 2005, avec le titre suivant : Urbaniste

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