Art ancien

Peinture

Puvis de Chavannes en son temps

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 2 décembre 2005 - 673 mots

Le Musée de Picardie, à Amiens, pour lequel le peintre réalisa de nombreuses œuvres, célèbre dans une grande exposition l’artiste classique.

AMIENS - Avant la Sorbonne, le Panthéon et l’Hôtel de Ville à Paris, le Musée des beaux-arts de Lyon et la bibliothèque de Boston, c’est à Amiens, sur les murs du Musée de Picardie, que Puvis de Chavannes (1824-1898) réalisa ses premiers grands décors. En 1863, l’État acquiert ses deux toiles monumentales Concordia et Bellum (présentées au Salon de 1861), qu’il décide d’attribuer au Musée de Picardie, qui s’appelle à l’époque Musée Napoléon. Touché, l’artiste décide alors d’offrir à l’établissement deux autres grandes œuvres, Le Repos et Le Travail (1863), installées elles aussi au premier étage. Puvis décore ensuite les quatre entre-fenêtres juxtaposant les pièces monumentales, avant de s’attaquer l’année suivante, en 1864 et à la demande du musée, au mur de l’escalier d’honneur, qu’il recouvre de l’Ave Picardia Nutrix. Puis, en 1882, il achève son œuvre en exécutant le Pro Patria Ludus pour orner l’ancienne cour intérieure transformée en grand salon. La rétrospective que consacre aujourd’hui le Musée de Picardie à Puvis de Chavannes n’a donc rien de surprenant. Passage obligé pour accéder aux espaces de l’exposition temporaire, le visiteur découvre dans un premier temps les grands ensembles réalisés par Puvis entre 1861 et 1882. Le parcours à proprement parler réunit ensuite trois cents œuvres, de Puvis mais aussi de ses contemporains. « Je ne voulais pas seulement faire une rétrospective, mais évoquer parallèlement le siècle de Puvis, montrer comment son œuvre était en résonance avec son époque », explique le directeur du musée, Mathieu Pinette. Ce dernier souligne également l’impossibilité de réunir ses productions majeures, les décors ne pouvant évidemment être déplacés, et d’autres pièces, tel Le Pauvre Pêcheur conservé au Musée d’Orsay, à Paris, étant trop fragiles pour voyager. De nombreuses esquisses et dessins évoquent donc les grands ensembles. L’occasion pour le Musée de Picardie de présenter quelques-unes de ses plus belles feuilles signées Puvis, comme cette Tête de jeune homme (1870) ou le Vieil Homme assis et l’Homme nu, deux études pour Le Repos. Pour Mathieu Pinette, ces dessins attestent d’une « grande sensualité. Puvis n’est pas seulement le peintre de la Vie de sainte Geneviève, il est aussi un noble jouisseur », précise-t-il.

Paisible idéal
Moins militante que l’exposition organisée au Palazzo Grassi de Venise en 2002 par Serge Lemoine (actuel directeur du Musée d’Orsay) – qui tendait à faire de Puvis le fondateur de la modernité (lire le JdA no 146, 5 avril 2002) –, le propos est ici de montrer « comment Puvis était le fils de ses pères et le père de ses fils », indique Mathieu Pinette.
En guise d’introduction figurent ainsi des œuvres d’Ingres, de Delacroix et de Chassériau, qui l’ont profondément marqué, tandis que Denis, Maillol, Picasso, Matisse et l’étonnante Partie de campagne de Léger scellent le parcours, évoquant l’influence qu’a eu l’artiste sur les générations suivantes. Entre les deux, les productions de Puvis font face à celles de Millet, Corot, Courbet, puis Moreau, Rodin ou Manet. Ces confrontations soulignent les rapports plus ou moins évidents entre Puvis et ses contemporains – les baigneuses et les scènes mythologiques dépeintes par Aimé-Jules Dalou, Jean Léon Gérôme ou Henri Fantin-Latour révèlent un même intérêt pour le nu féminin –, ou témoignent au contraire de grandes disparités avec des artistes qui lui sont d’habitude associés. La présence de tableaux de Sisley, Pissarro, Renoir ou Toulouse-Lautrec (qui s’amusait à le surnommer « Pubis de cheval ») souligne les distances entre Puvis, adepte des sujets classiques, et les avant-gardes. Loin de toute intention révolutionnaire, Puvis de Chavannes se concentrait sur l’harmonie décorative et la représentation d’un paisible idéal, traduisant, selon Mathieu Pinette, une « modernité subtile et expressive, qui s’invite de manière presque subversive à l’intérieur de ses œuvres ».

PUVIS DE CHAVANNES. UNE VOIE SINGULIÈRE AU SIÈCLE DE L’IMPRESSIONNISME

Jusqu’au 12 mars 2006, Musée de Picardie, 48, rue de la République, 80000 Amiens, tél. 03 22 97 14 00, tlj sauf lundi, 10h-12h30 et 14h-18h

PUVIS DE CHAVANNES

- Commissaire : Mathieu Pinette, directeur des musées d’Amiens - Nombre d’œuvres : 301 - Parmi les établissements prêteurs : Musée du Petit Palais, Musée d’Orsay, Musée du Louvre, Bibliothèque nationale de France et musées Gustave-Moreau, Picasso, Rodin et Carnavalet à Paris, musées des beaux-arts d’Angers, Angoulême, Lyon, Marseille, Reims et Tourcoing, Musée d’art moderne de Saint-Étienne, Musée Rolin à Autun, Musée Sainte-Croix à Poitiers, Musée des Ursulines à Mâcon, Musée de l’hôtel Sandelin à Saint-Omer...

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°226 du 2 décembre 2005, avec le titre suivant : Puvis de Chavannes en son temps

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