Politique

La Région Centre s’érige en modèle

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 2 décembre 2005 - 756 mots

Le 14 novembre, son président, Michel Sapin, a appelé ses homologues à s’emparer de leurs compétences culturelles.

TOURS - Même s’il s’en défend, la prise de parole à Tours (Indre-et-Loire) de Michel Sapin (PS), président de la Région Centre, alors que le siège du conseil régional se trouve à Orléans, avait tout d’un défi adressé sur son propre terrain au ministre de la Culture et de la Communication, Renaud Donnedieu de Vabres – lui-même conseiller municipal de la cité tourangelle. Car, comme l’a précisé d’emblée Michel Sapin, « il est assez inhabituel qu’un président de Région consacre une intervention à la culture ». De fait, même si, depuis les premières lois de décentralisation de 1982, les Régions ont en charge une mission de « développement culturel », leur politique s’est principalement concentrée sur les compétences dites « lourdes » : emploi, éducation, formation professionnelle, aménagement du territoire…
Or, Michel Sapin l’a bien compris : si la Région est la collectivité montante, elle se doit aussi d’intervenir dans le champ culturel quand l’État, « dont le rôle demeure irremplaçable », notamment pour assurer l’équité territoriale de l’offre culturelle, « peine à porter sur ses épaules les gros établissements et la multiplicité des réseaux ». D’où son ambition d’ériger la Région Centre en acteur majeur, faisant de la culture un volet central de son action. Le préalable indispensable est toutefois de rassurer une communauté artistique souvent méfiante à l’endroit des élus. Devant un parterre de professionnels réunis dans la salle du nouveau centre dramatique régional de Tours, le président de la Région a donc insisté sur la nécessaire transparence des subventions, qui seront octroyées par des comités d’experts indépendants. Il a de plus encouragé les financements publics croisés, considérés comme une garantie de liberté des créateurs.

Décentralisation rampante
Malgré un soutien très net au secteur des arts vivants, les arts plastiques bénéficieront aussi de l’embellie de 13 % du budget de la Culture en 2006. À l’horizon 2009, le Fonds régional d’art contemporain (FRAC) situé à Orléans et spécialisé dans l’architecture prospective deviendra une institution majoritairement soutenue par la Région. Il s’installera dans les anciens bâtiments militaires du site des Subsistances, qui seront prochainement réhabilités, et devrait par ailleurs voir sa dotation tripler en 2009.
Pour autant, cet engagement en faveur d’une culture portée par la Région n’a pas valeur de quitus donné à la politique de « décentralisation rampante » considérée par l’ancien ministre de la Fonction publique de Lionel Jospin comme un simple « désengagement financier de l’État ». Quand bien même la Région Centre a d’emblée joué le jeu, en signant très rapidement le protocole de décentralisation de l’Inventaire général du patrimoine culturel et en acceptant le transfert du château de Chaumont-sur-Loire (Loir-et-Cher), désormais réuni au Conservatoire international des parcs et jardins et du paysage pour former le domaine de Chaumont-sur-Loire. Déjà connu pour son Festival des jardins, celui-ci deviendra le nouveau phare régional dans le domaine de la création : son parc devrait ainsi accueillir des œuvres contemporaines, alors que l’intérieur du château Renaissance pourrait être livré à l’intervention d’un plasticien.

Les DRAC touchées

La réalité du désengagement de la politique culturelle de l’État en régions se fait chaque année de plus en plus prégnante. Mises sous pression par des retards récurrents dans le déblocage des crédits déconcentrés de l’État, les directions régionales des Affaires culturelles (DRAC) vont devoir s’accommoder d’une baisse de 2,6 % du second versement de leurs crédits d’intervention culturelle, destiné à solder l’exercice 2005. Cette baisse aura toutefois moins d’impact dans les huit DRAC ayant mis en place à titre expérimental la nouvelle loi d’orientation sur la loi de finances (LOLF), qui facilite la régulation entre les crédits. Or, d’après le quotidien Le Monde du 24 novembre, la consigne du ministère de la Culture a été claire : cette baisse ne devra pas être répercutée sur le spectacle vivant, pour éviter de raviver les braises du conflit des intermittents du spectacle. Il faudra donc rogner ailleurs, du côté des moins bruyants. Le ministère a ainsi supprimé la totalité des crédits des DRAC destinés aux acquisitions d’œuvres d’art par les Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) et les Fonds régionaux d’acquisition des musées (FRAM). Cette décision s’inscrit dans la droite ligne du budget 2006, qui prévoit déjà une baisse de 26 % du volet enrichissement des collections (lire le JdA no 222, 7 octobre 2005). L’intense communication lancée autour des quelques achats du Fonds national d’art contemporain (FNAC) réalisés – sur son budget – à la FIAC ne masquera pas longtemps cette indigence.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°226 du 2 décembre 2005, avec le titre suivant : La Région Centre s’érige en modèle

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