Himalaya

L’art du masque

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 6 janvier 2006 - 561 mots

La Galerie Le Toit du Monde expose ses dernières acquisitions.

 PARIS - Portraits d’ancêtres, panoplies de rituels agraires ou chamaniques, les masques himalayens sont loin d’avoir livré tous leurs secrets. Spécialiste parisien de l’art de l’Himalaya, François Pannier, par ailleurs directeur de la Galerie Le Toit du Monde, s’efforce depuis plusieurs décennies d’en élucider les mystères. Il présente actuellement à Paris ses dernières acquisitions.
Katmandou, années 1970. En quête d’une société idéale, les hippies occidentaux arrivent en masse au pied de l’Himalaya. Nombreux sont alors les marchands proposant des masques issus des tribus de la vallée népalaise. Les pièces gagnent peu à peu l’Europe dans les valises des voyageurs.
Aujourd’hui, « les sources locales sont taries », explique le galeriste, ajoutant que le nombre de faux
fabriqués au Népal va grandissant. Une production repérable par son absence de patine, notamment
à l’intérieur du masque.

Garantir l’authenticité
Mais les vrais spécimens ne sont pas facilement identifiables pour autant, car ils sont aujourd’hui
totalement hors contexte. La diversité des ethnies, des religions et des rites rend la tâche difficile, et si leur étude balbutie elle menace de ne pas beaucoup progresser. Le demi-siècle de présence chinoise au Tibet et l’instabilité politique du Népal – entretenue depuis dix ans par une guérilla maoïste – freinent toute tentative de collecte d’informations. Les mémoires vivantes disparaissent peu à peu, et les connaissances filent comme le sable entre les mains des ethnographes et des scientifiques. François Pannier rappelle à ce propos que les informateurs fantaisistes, désireux de
valoriser leur marchandise, sont légion. Aussi rachète-t-il des pièces qu’il avait acquises et vendues dans les années 1980, un procédé qui lui permet d’en garantir l’authenticité et la provenance.
Fait rare, le marché du masque de l’Himalaya est souvent plus jeune que ses collectionneurs – le plus célèbre d’entre eux est sans doute Marc Petit, dont une partie de la collection devrait rejoindre le Musée du quai Branly, à Paris. Les pièces maîtresses d’art africain et océanien étant hors de sa portée financière il y a trente ans, il s’était rabattu sur l’art de l’Himalaya. L’Espagne regorge aussi de grandes collections privées, dont celle de Gustavo et Rosa Gili, exposée du 11 janvier au 5 février 2006 à la Fundación Antonio Pérez, à Cuenca, près de Madrid. « Les choses prennent forme, le marché se dynamise », assure François Pannier, citant également des collections américaines, belges et allemandes.

Expressivité intense
Les spécimens ici présentés proviennent des États indiens de l’Arunachal Pradesh et de l’Himachal Pradesh, du Tibet, du Sherpa (ou Sud-Tibet), du Bengale et du Népal. La diversité y est frappante : on passe de l’extrême sobriété d’un masque népalais à la complexité ornementale d’un masque tibétain de Varahi, déesse d’origine hindouiste à tête de laie. D’un grand réalisme, les détails des dents acérées, de la langue tordue et des yeux révulsés sont saisissants. Les prix s’échelonnent de 1 000 à 5 500 euros, exception faite de l’œuvre clé de la sélection, un masque de yogi de l’ethnie Mompa de l’Arunachal Pradesh ou du Bhoutan (30 000 euros). L’excellent état de conservation des pigments (noir, rouge, ocre et jaune), ajouté à l’expressivité intense du visage aux traits marqués, en fait un spécimen exceptionnel.

MASQUES DE L’HIMALAYA. NOUVELLES ACQUISITIONS

Jusqu’au 18 février, Galerie Le Toit du Monde, 6, rue Visconti, 75006 Paris, tél. 01 43 54 27 05, www.letoitdumonde.net, du mardi au samedi, 13h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°228 du 6 janvier 2006, avec le titre suivant : L’art du masque

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