Rencontre au sommet

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 3 février 2006 - 525 mots

Le Musée Van Gogh d’Amsterdam confronte les chefs-d’œuvre de Rembrandt Van Rijn
et de Michelangelo Merisi dit le Caravage. Un face-à-face en clair-obscur

Le Musée Van Gogh d’Amsterdam apporte sa pierre aux célébrations du 400e anniversaire de la naissance de Rembrandt (1606-1669) en offrant à ses visiteurs une exposition prestigieuse qui tente de cerner l’influence qu’eut le Caravage (1571-1610) sur l’œuvre du maître hollandais. Le propos est audacieux, puisque Rembrandt n’a jamais mis les pieds en Italie et n’a, a priori, jamais vu aucun des
tableaux de l’artiste italien. Il a pu, en revanche, découvrir des toiles caravagesques qui circulaient à son époque en Hollande, notamment celles de Bartolomeo Manfredi (1582-1622). En collaboration avec le Rijksmuseum, le musée a exceptionnellement réuni vingt-cinq tableaux provenant du monde entier, parmi lesquels figurent Les Disciples d’Emmaüs (Londres), L’Amour vainqueur (Berlin) ou Le Sacrifice d’Isaac (Florence), tous du Caravage, et des Rembrandt, tels Samson aveuglé (Francfort) ou le Festin de Balthazar (Londres). Les toiles seront mises en scène par Jean-Michel Wilmotte, selon une présentation par paire : un Rembrandt face à un Caravage. Cet accrochage doit permettre d’aborder différents thèmes comme les choix iconographiques ou des couleurs, l’innovation dans la composition, l’approche particulière des sujets religieux, l’émotion contenue dans les tableaux et surtout la maîtrise du clair-obscur. Selon le commissaire de l’exposition, Taco Dibbits, conservateur au Rijksmuseum, le principal élément de l’influence du Caravage sur Rembrandt réside dans le traitement de la lumière, qui structure la composition et plante la scène. Chez le premier, le clair-obscur est partout, mettant en exergue tel ou tel aspect du récit. Rembrandt fait de même. Mais le travail de la matière les oppose : la peinture du Caravage est lisse, sans trop de relief, alors que celle de Rembrandt n’hésite pas à être beaucoup plus épaisse. Ce dernier joue avec la texture pour rendre presque palpable la peau des nombreux vieillards qu’il aime à représenter.
Les premières marques de l’influence caravagesque apparaissent dans ses tableaux vers 1620. À cette époque, il côtoie les œuvres d’artistes d’Utrecht marqués à Rome par le Caravage. Une lumière rappelant les sombres tableaux du peintre italien envahit peu à peu ses tableaux. Rembrandt est également influencé par le Caravage dans le réalisme des figures. Comme  lui, il ne cherche pas à idéaliser ses modèles, souvent des gens de son entourage proche, tentant de saisir leurs personnalités, leurs expressions. Sujet purement mythologique, L’Enlèvement de Ganymède trouve chez lui un traitement particulier : loin de l’image du sensuel adolescent enlevé par Zeus pour en faire son amant, Ganymède est ici représenté sous les traits d’un horrible bébé terrifié. Le tableau est exposé face à L’Amour vainqueur du Caravage, une toile radicalement différente… « L’idée de l’exposition est de mettre en évidence tant les similitudes que les différences », justifie le commissaire de l’exposition. Si certaines associations artistiques semblent parfois tirées par les cheveux, on ne saurait bouder son plaisir face à cette réunion peu commune de purs chefs-d’œuvre.

Rembrandt-Le Caravage

Du 24 février au 18 juin, Musée Van Gogh, Paulus Potterstraat 7, Amsterdam, tél. 31 20 570 52 00, tlj 10h-18h (jusqu’à 22h le vendredi). Catalogue, éditions Hazan, 176 p., 35 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°230 du 3 février 2006, avec le titre suivant : Rencontre au sommet

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