Les galeries affichent leur optimisme

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 17 février 2006 - 860 mots

Le sondage exclusif CSA pour le Comité professionnel des galeries d’art confirme leur poids économique sur le marché de l’art. En France, les galeries réalisent cinq fois le produit des ventes publiques dans le secteur.

Alors, heureux ? Très heureux ! Eh oui, 88 % des galeries d’art françaises se disent satisfaites de leur métier et 55 % sont optimistes sur l’avenir de leur secteur d’activité. Telle est la surprenante conclusion de l’enquête commandée en octobre 2005 par le Comité professionnel des galeries d’art (CPGA) à l’institut de sondage CSA (1). « Quand les galeries sont interrogées individuellement, elles parlent de leurs soucis. On a du mal à imaginer que, globalement, tout va bien », relève le directeur de la galerie Louis Carré & Cie (Paris) et président du CPGA, Patrick Bongers. Pour une fois, les galeries ont remisé leurs doléances, moins par une soudaine poussée de béatitude que par pragmatisme. Tous les indicateurs les y engagent : le marché à l’échelle mondiale est fort, les galeries ne sont pas endettées, non plus que leurs clients. Le marché se porte bien, encore qu’il existe plusieurs marchés et que la France, en la matière, joue en seconde division. « Si on travaille avec des artistes de renommée internationale, on est porté par l’effervescence, analyse le galeriste Grégoire Maisonneuve (Paris). Le profil de ma galerie n’est pas indexé sur ce marché-là. J’en retire une plus grande stabilité, mais je ne profite pas non plus des envolées. » De même, la confiance de Bernard Utudjian, directeur de la Galerie Polaris (Paris), ne repose pas sur des paramètres internationaux. « C’est un optimisme lié à un changement radical du collectionneur français depuis deux ou trois ans, précise-t-il. On compte aussi de nouveaux venus, avec une clientèle liée à des entreprises ou à des professions libérales qui constitue 20 % de mon chiffre d’affaires, contre 2 à 3 % voilà encore cinq ans. Les clients, qui achetaient autrefois seulement pour eux, le font aussi maintenant pour leurs sociétés, pour un hall ou un bureau. »

Prêtes à embaucher
Bien que l’enquête du CPGA amalgame des univers situés parfois aux antipodes, les résultats révèlent des profils économiques et des préoccupations étrangement similaires. Ils rejoignent sur de nombreux points l’enquête diligentée par le ministère de la Culture (délégation aux Arts plastiques et Département des études et de la prospective) en 1999 sur un effectif de 376 galeries uniquement d’art contemporain (2). Les deux études se recoupent notamment quant au chiffre d’affaires des galeries d’art contemporain d’avant-garde et à la faible proportion des achats institutionnels. En moyenne, le chiffre d’affaires des galeries d’art contemporain s’élevait en 1998 à 2,8 millions de francs, une somme que l’enquête du CPGA rehausse à 487 053 euros (3,1 millions en équivalent francs). D’après celle-ci, la moyenne du chiffre d’affaires de l’ensemble des galeries d’art, tous créneaux confondus, taquinerait même les 797 878 euros. Une donnée à pondérer, car 41 % des galeries interrogées n’ont pas répondu à la question. Malgré l’assurance de l’anonymat, les méfiances inhérentes à la profession ont encore la vie dure… Quoique partielles, les informations dégagées par l’enquête repositionnent le poids économique des galeries face aux ventes publiques. Le CPGA évalue celui-ci à 640 millions d’euros, soit près de cinq fois le produit des ventes publiques en 2004 sur le segment moderne et contemporain, estimé à 127,1 millions d’euros (3).
Si l’enquête du ministère soulignait la fragilité économique des galeries, celle du CPGA argue de leur sursaut de confiance, dans une optique avouée de lobbying. Tout est question d’interprétation ! Il est toutefois indéniable que les galeries se sont professionnalisées. Elles se disent même prêtes à embaucher. Mais 68 % d’entre elles invoquent le frein des charges sociales, ajouté, parfois, à celui de l’exiguïté de leurs locaux. La majorité de ces PME travaillent avec un employé (pour 28 % d’entre elles), voire deux (36 %), pour s’occuper d’une écurie d’environ quinze artistes ou ayants droit. « Il faut un personnel qualifié pour faire un travail en amont, car, pour vendre une œuvre, les choses sont de plus en plus compliquées, observe Nathalie Obadia (Paris), vice-présidente du CPGA. Il faut de plus en plus “inventer” les ventes, toucher des réseaux qu’on ne connaît pas. »

Questions en jachère
La radioscopie que propose le sondage du CPGA se montre éclairante, mais certaines questions restent en jachère. Les galeries françaises sont-elles propriétaires de leurs murs ? Quelle est la part des frais de production dans leurs dépenses, et enfin, quelle est la valeur de leurs stocks ? Quelles qu’en soient les lacunes, l’initiative méritoire du CPGA devrait inspirer d’autres corporations comme celle des antiquaires, dont le poids économique et les modes de fonctionnement demeurent encore opaques.

(1) Ce sondage dresse le portrait des galeries d’art, sur un échantillon de 375 enseignes, dont 180 adhérantes au CPGA. 230 galeries ont répondu au questionnaire.
(2) et publiée sous le titre : Les Galeries d’art contemporain en France, portraits et enjeux dans un marché mondialisé, par Françoise Benhamou, Nathalie Moureau et Dominique Sagot-Duvauroux, éd. La Documentation française, coll. « Questions de culture », 2001.
(3) Source Les Ventes publiques en France, 2004, chiffres et analyses.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°231 du 17 février 2006, avec le titre suivant : Les galeries affichent leur optimisme

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