Un salon jugé par ses visiteurs

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 3 mars 2006 - 850 mots

Professionnels et collectionneurs se rendent régulièrement à la foire de Maastricht. Ils nous expliquent leurs motivations et ce qui les y fait vibrer.

 Christian Giacomotto, président du Conseil des ventes volontaires (CVV), président de l’Association pour le rayonnement du musée national du Moyen Âge (ARMMA)
« Maastricht tient le haut du pavé des foires d’antiquaires, bien qu’elle se situe dans un endroit improbable, pas facile d’accès. Même si la vieille ville de Maastricht est belle, le site de Tefaf n’est pas très attractif. Il ressemble au produit du mariage de la Défense et d’Aubervilliers. Voilà pour le côté négatif de cette manifestation. Cela dit, la foire est indiscutablement un forum important dans les domaines de la Haute Époque [lire p. 18] et de la peinture ancienne qui m’intéressent pour mes activités liées aux musées, celui [du Musée national du Moyen Âge-Thermes] de Cluny en particulier. Je regrette en revanche l’absence quasi totale des arts de l’Islam. J’avoue qu’arpenter seul les allées de Maastricht pendant un jour ou deux demande un certain investissement personnel. J’y vais donc avec l’idée de signaler ce qui m’a frappé ou touché, et qui peut avoir un intérêt pour mes musées préférés ou pour moi-même. Puis, après coup, je compare mes observations avec des spécialistes et conservateurs. Car je trouve cela plus fructueux que chacun fasse son tour de piste afin d’éviter de s’influencer.
J’ai remarqué que de plus en plus d’objets exposés étaient passés en vente publique, souvent peu de temps auparavant. Mais cela n’est pas une caractéristique propre à Maastricht. C’est une tendance qui se développe un peu partout depuis quelques années : on revoit dans les foires des objets sur lesquels, parfois, on a enchéri sans aller jusqu’au bout. Auparavant, les marchands gardaient ces pièces au moins d’une année sur l’autre. Aujourd’hui, avec le coût du stockage, c’est évidemment devenu plus onéreux. Néanmoins, il est difficile de s’y faire ! »

Cyrille Cohen, commissaire-priseur à Drouot
« Je vais à la foire de Maastricht tous les ans depuis environ six ans. D’abord par curiosité : j’en avais beaucoup entendu parler parmi les professionnels. Aujourd’hui, j’y retourne par goût et par plaisir. A priori, je visite les stands qui me concernent, soit l’art moderne, dont l’importance et la qualité des œuvres présentées ont augmenté de manière remarquable au fil des années, et l’art primitif, qui sont mes spécialités. Mais, en fait, je vais aussi voir les antiquaires spécialisés dans des domaines que je vois peu le reste du temps, c’est-à-dire la Haute Époque (les fers forgés espagnols, les buis allemands…), la peinture ancienne (je passe assez rapidement sur les fleurs et les paysages flamands qui forment le gros de la présentation) et les objets de curiosités, toutes ces choses que je connais peu, mais que j’aime beaucoup. Il y a deux ans, je suis tombé sur un chef-d’œuvre de la peinture espagnole, une Fuite en Égypte de Zurbarán chez le marchand Agnew’s de Londres. Je n’ai pas le souvenir d’avoir vu un tableau aussi impressionnant en galerie depuis longtemps. J’ai été frappé par la “modicité” de son prix, un peu plus de trois millions de dollars. Et il n’a même pas été vendu sur la foire. »

Alexis G., éditeur et collectionneur new-yorkais
« Je collectionne les bronzes de la Renaissance, les objets de curiosités et de Kunstkammer, les émaux du Limousin du XVIe siècle et, depuis peu, les tableaux anciens XVIIe et XVIIIe français et italiens. Aussi, Tefaf est pour moi la meilleure foire au monde. À Maastricht, on est également attiré par les objets que l’on ne collectionne pas. Ainsi, il y a deux ans, j’ai acheté une jolie pièce de porcelaine Meissen.
Dès l’ouverture, je vais tout de suite visiter le stand des Kugel. Il est rare que je ne trouve rien d’intéressant chez eux. Sur place, tout se passe très vite. Le premier jour, on est tous dans un état d’excitation pour voir les objets merveilleux qui n’ont encore pas vu la lumière. Pour ne pas qu’il nous échappent, il faut souvent les réserver immédiatement, voire sur catalogue avant la foire. Ensuite, les marchands ne vous donnent pas beaucoup de temps (jusqu’à la fin de la journée, ou même seulement une heure ou deux) pour transformer votre réservation en achat. Quand on sait que quelqu’un d’autre veut la même chose que nous, cela stimule encore plus. La compétition fait partie du jeu. Le deuxième jour est plus propice à la flânerie, mais les pièces exceptionnelles sont souvent parties ! Le dernier jour de la foire est intéressant pour faire des affaires. Car les marchands qui n’aiment pas rapatrier leur marchandise consentent parfois (mais pas toujours) à quelques réductions de prix.
Le bâtiment de la foire est commode mais quelconque. Le miracle est à l’intérieur. La ville de Maastricht est par ailleurs un enchantement. Mais peu de personnes vont la visiter. Je pense au trésor de la cathédrale et au Musée Bonnefanten, ou encore à Aix-la-Chapelle, à un quart d’heure de Maastricht. Enfin, les fêtes organisées par le marchand Robert Noortman dans son château, non loin de Maastricht, sont aussi très divertissantes. »

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°232 du 3 mars 2006, avec le titre suivant : Un salon jugé par ses visiteurs

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