Entretien

Anton Herbert

Collectionneur

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 3 mars 2006 - 609 mots

Vous avez commencé votre Collection au début des années 1970. Avec cette exposition à Barcelone, vous présentez pour la troisième fois votre Collection dans un musée.
Oui, nous l’avons d’abord exposée au Van Abbemuseum à Eindhoven en 1984 avec Rudi Fuchs. L’exposition s’appelait « l’Architecte est absent », un extrait de texte de Broodthaers. Rudi Fuchs avait choisi comme sous-titre Répertoire, comme un répertoire de musique, le début d’un choix. Chez Enrico Lunghi, au Casino, à Luxembourg en 2000, le titre était « Many Colored Objects » et le sous-titre Programme. Pour Barcelone puis Graz, après de multiples entretiens avec Manuel J. Borja-Villel et Peter Pakesch, nous avons décidé de prendre pour thème « Public/Privé » : la recherche d’une symbiose peut-être utopique entre les institutions publiques et les institutions privées. Le titre de l’exposition, « Public Space/Two Audiences », est tiré d’une pièce de Dan Graham. Le sous-titre est Inventaire. Pour la suite, nous avons l’intention l’année prochaine de changer les statuts de la Collection en Fondation. Nous n’avons jamais eu l’occasion de voir les pièces les plus importantes installées dans un ensemble, nous n’en avions qu’une vue partielle. Avant de passer à la Fondation, nous voulions pouvoir analyser la Collection. C’est ainsi qu’est née l’idée de cette double exposition.

Cette Fondation sera-t-elle en Belgique ?
Quelque part… Peut-être que les bureaux seront en Belgique, mais je ne veux pas m’y attacher pour le moment. Je pense qu’une fondation doit être libre de ses lieux, elle doit pouvoir être nomade. Elle ne fonctionnera d’ailleurs pas seulement comme un lieu d’exposition, mais surtout comme un centre d’étude, de recherche, pour approfondir les thèmes auxquels nous nous intéressons, autour de Buren, Nauman, Broodthaers et Carl Andre, jusqu’à Franz West, Kippenberger et Mike Kelley. Nous trouvons que trop d’accents sont mis aujourd’hui sur le côté « pouvoir » et « argent » ; et trop peu d’intérêt se porte sur la continuité historique, la situation de l’art contemporain à l’intérieur de la société et la formation éducative des jeunes générations en quête de connaissance. Trop d’importance est donnée au côté mercantile de l’art contemporain, ce qui aura bien entendu des conséquences. Quand nous avons commencé notre Collection, après les changements et nouveaux critères de Mai 1968, nous avions beaucoup d’intérêt pour cette évolution de la société, mais notre choix de l’art des années 1968 à 1978 était isolé et n’avait aucun impact. Aujourd’hui, l’art contemporain est au centre, les politiciens et les médias y sont attentifs, tout comme les économistes et les banquiers, très souvent, malheureusement, d’une façon superficielle. On ne prend plus l’art contemporain pour une obsession de quelques isolés, mais on en tient compte. Tout le monde veut son musée, souvent rempli de vides. La société récupère l’art contemporain.

Mais, en même temps, les artistes arrivent à mieux transmettre leurs messages dans la société.
Oui, c’est tout à fait vrai. C’est un constat. L’artiste ne se trouve plus à la marge. Mais il ne peut parfois pas répondre à ce nouveau rôle. En devenant Fondation, nous pensons que nous avons une opportunité pour approfondir cette nouvelle situation et lui donner plus de contenu. Avec la Cittadellarte de Pistoletto à Biella [Italie] ou avec Urs Raussmüller aux Hallen für Neue Kunst à Schaffhouse [Suisse] – ou avec d’autres –, nous espérons pouvoir créer un réseau de recherche à disposition des jeunes de n’importe quelle origine ou classe sociale. Il serait facile pour nous de baser la Fondation à Gand, puisque nous y avons des bâtiments et que nous y sommes en dehors du circuit de masse, mais le challenge pour nos activités futures sera la mobilité dans d’autres lieux et circonstances.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°232 du 3 mars 2006, avec le titre suivant : Anton Herbert

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