XIXe siècle

L’art en exil

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 31 mars 2006 - 521 mots

Quand Paris attirait la fine fleur des artistes américains.

 LONDRES - « Americans in Paris, 1860-1900 » ou l’époque de l’impérialisme culturel français. Celle où les artistes américains en herbe, privés d’écoles d’art et de collections publiques dignes de ce nom, s’exilaient à Paris pour s’imprégner d’un savoir artistique célébré de toutes parts. L’exposition printanière de la National Gallery de Londres se penche sur le travail de cette communauté, que l’on qualifiait alors de colonie.
La démarche n’échappe pas aux clichés. Paris est présentée en capitale de la douceur de vivre, mais aussi de la modernité, de la richesse culturelle et de la frénésie urbaine. Si l’attrait d’un tel cadre est incontestable, l’exposition passe trop vite sur un événement majeur de l’histoire américaine qui a, sans nul doute, donné le coup d’envoi à ce flot d’immigration. La guerre de Sécession (1861-1865) déchire le continent, faisant plus de 600 000 morts. Quoi de plus compréhensible que l’envie de se réfugier dans un pays en paix dont les mœurs sont autrement plus libérées ? Les jeunes hommes échappent à l’appel des drapeaux, et les jeunes femmes acquièrent l’indépendance désirée.

Œuvres d’apprentissage
De cette foule d’expatriés issus du giron des maîtres Carolus-Duran, Alexandre Cabanel ou Léon Bonnat se détachent très vite quelques figures devenues tutélaires : James McNeill Whistler, John Singer Sargent et Mary Cassatt. Le premier figure ici avec ses deux plus célèbres portraits, Symphony in white, no 1 : the white Girl (1862), star du Salon des refusés de 1863, et Arrangement in grey and black, no 1 : Portrait of the Artist’s Mother (1871), prêté par le Musée d’Orsay. Protégée d’Edgar Degas, Mary Cassatt excelle lorsqu’elle présente la vie féminine de l’intérieur, avec In the Loge (1878) et Little Girl in a blue Armchair (1878). Pour sa part, John Singer Sargent signe les deux chefs-d’œuvre de l’exposition. Face à la quintessence du snobisme personnifiée par la sublime Madame X (Madame Pierre Gautreau) (1883-1894), The Daughters of Edward Darley Boit (1882) met en scène l’ennui au quotidien des quatre petites filles d’un peintre américain, cloîtrées dans un appartement de l’avenue de Friedland, à Paris. L’accrochage, ici, fait merveille. Sages comme des images, les enfants apparaissent, au loin, dans l’encadrement de salles en enfilade. Baignées dans la luminosité si particulière des immeubles haussmanniens, les petites filles semblent aussi fragiles et précieuses que la poupée et les jarres en porcelaine qui les entourent.
On regrettera de devoir se satisfaire du seul Violoncelliste de Thomas Eakins, dont les puissantes compositions de boxeurs et de rameurs constituent les premiers exemples d’un art à l’identité profondément américaine. Mais là n’est pas le propos de l’exposition, qui rassemble surtout des œuvres d’apprentissage. En attendant, bien plus tard, le raz-de-marée de l’expressionnisme abstrait.

AMERICANS IN PARIS, 1860-1900

- Commissaires : Kathleen Adler, directrice du département Éducation à la National Gallery, Erica E. Hirshler, conservatrice senior des Peintures américaines, Museum of Fine Arts, Boston, et H. Barbara Weinberg, conservatrice au département des Peintures et sculptures américaines, Metropolitan Museum of Art, New York - Nombre d’œuvres : 87 tableaux - Nombre d’artistes : 35 - Nombre de salles : 7 - Mécène : Rothschild

AMERICANS IN PARIS, 1860-1900

Jusqu’au 21 mai, National Gallery, Trafalgar Square, Londres, tél. 44 207 747 5930, www.nationalgallery.org.uk, tlj 10h-18h (le mercredi jusqu’à 21h). Catalogue publié par le musée, 288 p., 224 ill. couleurs, ISBN 1-85709-306-3, env. 37 euros. Rens. voyage : tél. 08 92 35 35 39, www.eurostar.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°234 du 31 mars 2006, avec le titre suivant : L’art en exil

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