Morceaux choisis - Arts premiers

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 14 avril 2006 - 771 mots

Les ventes d’art premiers de la SVV Jouan gagnent en qualité et en prestige.

PARIS - À deux mois de l’ouverture du Musée du quai Branly, une vente de prestige menée par le tandem Jouan-Reynes propose un choix de pièces d’art primitif, dont un bel ensemble de tissus précolombiens et quelques raretés indonésiennes.
En novembre 2005, la commissaire-priseur Anne-Yvonne Jouan quitte sa société de ventes sise à Sens pour se consacrer à sa passion, l’art primitif. Assistée de l’expert Serges Reynes, elle dirige désormais deux à trois fois l’an à la Fondation Dosne-Thiers, à Paris, des vacations spécialisées en arts premiers. Celle du 30 avril est la deuxième à se tenir dans cet ancien hôtel particulier du 9e arrondissement, au nord de l’hôtel Drouot. « Nous avons fait un tri pour présenter des choses de qualité, assure Anne-Yvonne Jouan. Des œuvres saines, sélectionnées, parfaitement authentifiées et à la provenance sans faille. » Le tout assorti d’une politique d’estimations raisonnables. Dans un marché où, en marge des grandes ventes de collections, le pire côtoie le meilleur, amateurs et musées sont nombreux à accorder leur confiance à ce duo. « Tous les lots viennent de successions ou d’anciennes collections françaises et européennes dont beaucoup du corps diplomatique », certifie Serge Reynes. À commencer par une cinquantaine de tissus précolombiens de la région côtière du Pérou issus de la collection d’un ambassadeur constituée entre 1950 et 1970. Les grands formats, l’état de conservation, la fraîcheur et l’éclat des couleurs, l’ancienneté, la qualité technique et graphique des pièces font la richesse de cet ensemble dont les estimations varient de 8 000 à 20 000 euros pour les plus beaux lots. Ces tissus datent des civilisations proto-Nazka (400 av.-200 apr. J.-C.) et Nazka (200-600 apr. J.-C.) jusqu’à la fin de l’Empire inca au XVIe siècle. L’attention ira particulièrement à une bannière proto-Nazca multicolore aux cinq serpents à deux têtes de 194 x 150 cm, estimée 15 000 euros ; à une bannière Siguas (100-300 apr. J.-C) multicolore, représentant un chaman les bras levés vers le ciel et au corps en forme d’araignées stylisées, estimée 8 000 euros, ou encore un à unku (« poncho primitif » recouvrant une momie) Nazca multicolore à dominante rouge avec un graphisme cubiste étonnamment moderne, de 188 x 118 cm, estimé 7 000 euros.
La section précolombienne comportera aussi quelques belles sculptures, tel un mortier cérémoniel de forme féline probablement utilisé par les chamans pour leurs préparations de potions. Provenant d’Équateur et datant de 1400 av. J.-C, il est estimé 25 000 euros. À saisir également, un magnifique sceptre en bois et or de 42 cm de culture Salinar (Pérou, 500-300 av. J.-C), représentant un chef assis en tailleur paré de nombreux bijoux en or, estimé 50 000 euros, et une hacha (hache cérémonielle) en pierre granitique Maya du Guatemala (600-900 apr. J.-C., sculptée sur chacune de ses faces d’une rare tête de chevreuil, estimée 20 000 euros.

Buffle-reliquaire d’Indonésie, singe-mendiant d’Afrique
Quelques rares pièces indonésiennes enrichissent la vente dont un étonnant buffle-reliquaire en bois, du peuple Toraja Sa’dan (dans le Sulawesi, ou archipel des Célèbes), entièrement orné d’un décor gravé à motif d’oiseau stylisé et affublé de véritables cornes de buffle. Estimé 10 000 euros, ce gardien protecteur des récoltes de riz a été rapporté en 1953 au cours d’une expédition. « C’est un objet rare que je n’ai pas vu passer en salles des ventes depuis dix ans, indique l’expert. Celui de la collection du Musée Barbier-Müller fait référence. » Notons aussi une statue d’ancêtre protecteur Dayak couronnée, aux formes puissantes, trônant sur un fauteuil lui-même posé sur un tambour stylisé. Elle a été ramenée par Pierre Langlois en 1953 avant d’entrer dans la collection Guy Dulon et est estimée 15 000 euros.
Pour la partie africaine (un tiers du catalogue), l’expert a sélectionné quelques trésors, dont un exceptionnel gardien de reliquaire Fang Nutmu du Gabon, orné de scarifications et estimé 70 000 euros, ainsi qu’une statue de singe-mendiant Gbékré avec son masque de conjuration des Baoulés de Côte d’Ivoire, estimée 40 000 euros. De cette pièce archaïque mystérieuse ayant servi à de nombreuses cérémonies animistes, seulement deux exemplaires sont connus, dont un se trouve dans la collection Leloup.

RTS PREMIERS D’AFRIQUE, D’OCÉANIE ET DE L’AMÉRIQUE PRÉCOLOMBIENNE

Vente le 30 avril à 14 h 30, Fondation Dosne-Thiers, 27, place Saint-Georges, 75009 Paris, tél. 01 48 78 14 33, SVV Jouan. Exposition privée chez l’expert, 166, rue Étienne-Marcel, 93100 Montreuil (tél. 01 48 57 91 46), du 18 au 27 avril 10h-19h, le 28 avril 10h-16h ; exposition publique à la Fondation Dosne-Thiers, le 29 avril 12h-20h, le 30 avril 10h-12h, www.serge-reynes.org

ARTS PREMIERS

- Expert : Serge Reynes - Nombre de lots : 200 - Estimation totale : 450 000 euros

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°235 du 14 avril 2006, avec le titre suivant : Morceaux choisis - Arts premiers

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