Trois questions à

Denis Doria, antiquaire, spécialiste de l’UAM

« Les créateurs de l’UAM rompent avec les arts déco »

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 14 avril 2006 - 665 mots

 Quelle est votre spécialité ?
J’expose dans ma galerie les œuvres des créateurs ayant fait partie de l’UAM (Union des Artistes Modernes, 1929-1958), comme Pierre Chareau, Eileen Gray, Rob Mallet-Stevens, Jacques Le Chevallier, Louis Barillet, Jean Burkhalter, René-André Coulon, Francis Jourdain, Hélène Henry, René Herbst, Louis Sognot et Charlotte Alix, Charlotte Perriand, Le Corbusier et les sculpteurs Jan et Joël Martel, ainsi que les modernes qui, à l’exemple de Jacques Adnet, Georges Djo-Bourgeois, Ivan Da Silva Bruhns et l’architecte Eckart Muthesius, n’ont pas fait partie de l’UAM. Je fais la promotion de leur œuvre. Après vingt ans, je me réjouis que les luminaires de Le Chevallier commencent à valoir aujourd’hui des prix dignes de son talent. En revanche, le travail réalisé par Jourdain, ce grand humaniste engagé socialement et esthétiquement, n’est pas encore reconnu à sa juste valeur. Je pense que le mouvement moderne, contrairement aux maîtres de l’Art déco classique, n’est pas encore à son apogée financier.
Parallèlement, j’interviens en tant qu’expert et conseil de collection. À ce titre, j’ai assisté la constitution d’importantes collections privées – parfois muséales – dans ma spécialité. À une période où l’évolution de notre activité va croissant en vente publique et où de nombreux professionnels s’orientent vers les salons, j’ai choisi de privilégier le lieu galerie. Même si, paradoxalement, j’aime beaucoup l’ambiance d’un salon. Je m’investis dans la programmation et l’organisation de nos expositions monographiques et thématiques. Notre espace de plus de 350 m2 répartis sur trois niveaux permet aux œuvres d’être mises en scène selon des scénographies restituant l’esprit des aménagements de l’époque.

Le marché a-t-il évolué  ?
Il y a vingt ans, quand j’ai ouvert ma galerie, la tradition du métier voulait que les gens riches achètent surtout des « œuvres riches ». Je préfère convaincre que séduire. À présent, les collectionneurs d’art moderne et contemporain recherchent la cohérence entre leur mobilier et leurs collections. Les créateurs de l’UAM sont les seuls à proposer une véritable rupture avec la tradition des arts décoratifs. Les pièces importantes sont d’une extrême rareté. La quête de l’œuvre majeure, voire du chef-d’œuvre, se double systématiquement d’une recherche historique et documentaire dans les sources d’époque.

Quels sont vos derniers coups de cœur artistiques ?
J’ai eu un réel coup de cœur pour la table PB de Martin Szekely présentée à la galerie Kreo. Elle se compose d’un grand plateau en aluminium plaqué en acier poli avec une finition microbillée et d’un piétement à six tubes d’acier poli. Je trouve cette pièce réellement magnifique. Je considère Szekely comme un créateur contemporain très important. Je suis son travail depuis longtemps et j’en parle souvent avec mes clients. Je retrouve dans ses créations des préoccupations semblables aux artistes que je représente.

Quelle est votre actualité ?
Je monte une collection de portfolios depuis août 2000. Elle est distribuée dans toutes les bonnes librairies d’art et d’architecture (1). Cette série, dont le tirage est limité à 1 000 exemplaires, est un hommage aux éditeurs et créateurs de l’époque des années 1920-1930, qui utilisaient de célèbres collections (Les Arts de la Maison, L’Art International d’Aujourd’hui, Répertoire du Goût moderne…) pour promouvoir leurs réalisations. Elle présente les œuvres des grands créateurs modernes exposés à la galerie depuis son ouverture. Les deux premiers volumes parus sont consacrés à l’œuvre de l’architecte d’intérieur et créateur de mobilier Pierre Chareau. Le troisième, lancé depuis fin 2005, est dédié à Francis Jourdain ; le quatrième, en préparation, présente les luminaires de Jacques Le Chevallier et constituera aussi le catalogue raisonné de l’artiste. Ces portfolios s’appuient sur un matériel photographique dense et inédit, au service de l’analyse de l’œuvre. Il n’y a, à ce jour,  pas d’équivalent dans ce domaine en matière de documentation. Je prépare également pour fin septembre une exposition sur le palais du maharaja d’Indore réalisé par l’architecte berlinois Eckart Muthesius. Elle comprendra photographies et documents provenant de ses archives personnelles.

Galerie Doria, 1, rue des Beaux-Arts, 75006 Paris, tél. 01 43 25 43 25.
(1) 450 euros le portfolio.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°235 du 14 avril 2006, avec le titre suivant : Denis Doria, antiquaire, spécialiste de l’UAM

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