Une scène en ébullition

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 14 avril 2006 - 869 mots

La Belgique, forte d’une tradition de collectionneurs avertis, reste un marché plus attractif que jamais. Comme les maisons de ventes aux enchères, les foires en tirent des avantages.

Si la Belgique compte à peine plus de 10 millions d’habitants, nombre d’entre eux ont la passion de la collection, une grande tradition qui se transmet de génération en génération. Le pays offre une vingtaine de salles des ventes de petite taille, principalement réparties entre Bruxelles et Anvers. La première d’entre elles, Servarts - Beaux-Arts, située dans le quartier du Grand-Sablon à Bruxelles, a pour actionnaires l’antiquaire Georges de Jonckheere – installé à Paris –, et son frère François. « Avec 7,5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2005, nous nous plaçons au niveau de la 9e ou 10e SVV [société de ventes volontaires] française, affirme son directeur, Philip Serck. 95 % des biens que nous vendons viennent de privés belges. » La salle de ventes tourne au rythme de sept vacations annuelles : mobilier et objets d’art ; art belge (un marché spécifique très soutenu sur tout le territoire); tableaux anciens ; modernes et d’après guerre ; arts décoratifs du XXe siècle. À ce programme, se greffent parfois des ventes de contenus de châteaux. À l’achat, la clientèle est majoritairement belge, mais les lots proposés par Servarts - Beaux-Arts attirent « de plus en plus d’acheteurs européens. Les Chinois viennent aussi à [eux] pour la porcelaine chinoise blanc-bleu. Cet élargissement est grandement facilité par la diffusion d’informations sur Internet (1) », souligne Philip Serck. Parmi les meilleures enchères en 2005, La Flûtiste, une toile du surréaliste belge Paul Delvaux, est partie dans une collection européenne pour 695 400 euros, soit le tableau le plus cher vendu en Belgique en 2005.

Dans le circuit de Sotheby’s et Christie’s
Pour Sotheby’s et Christie’s, représentées depuis une trentaine d’années dans la capitale, la Belgique reste une affaire juteuse. « C’est notre bureau le plus important en Europe après celui de Zurich », confie Roland de Lathuy, directeur général de Christie’s pour la Belgique. Hubert d’Ursel, son homologue chez Sotheby’s, confirme. « En valeur, nous envoyons 40 % des objets d’art à Londres (essentiellement des tableaux flamands) ; 15 % à Paris (mobilier, livres, tableaux français et art tribal). Dans les 15 % qui s’en vont à Amsterdam, figurent la peinture et les arts décoratifs des écoles du Nord, ainsi que des objets de provenance royale ou prestigieuse venant alimenter les “Noble Sales”, qui connaissent un franc succès auprès d’acheteurs du Benelux et d’Allemagne. Le reste part à New York et dans le reste du monde. » Toujours selon Hubert d’Ursel, pour la Belgique, le chiffre à l’export de Sotheby’s et Christie’s additionné au produit de vente aux enchères des opérateurs locaux avoisinerait 120 à 150 millions d’euros. Les achats représenteraient le même volume.

Le poids des expatriés fiscaux
Si les Belges restent de grands collectionneurs, ils ne se fournissent pas que chez eux en vente publique, en raison d’un marché national limité. Ces grands acheteurs internationaux s’invitent sans hésitation dans les salles de ventes de Paris, Londres et New York. Le pays est en revanche pourvu de grands antiquaires pour les spécialités historiques telles que l’argenterie, l’art tribal et l’art asiatique. Côté peinture ancienne du Nord, la proximité de la foire de Maastricht joue à plein. Les amateurs belges se rendent aussi volontiers à Paris (1 h 20 en train) pour la Biennale des antiquaires ou, en septembre, à Kaos, le salon d’arts premiers qui a pris le pas sur l’édition belge Bruneaf – laquelle se déroule chaque année en juin. Ils comptent aussi sur la foire belge Tour&Taxis, qui s’est considérablement développée en trois ans : 30 000 visiteurs, en grande majorité belges, ont visité l’édition de 2006 qui réunissait 120 exposants dont 40 % d’étrangers, une proportion en augmentation. Selon les organisateurs, de plus en plus de professionnels européens, dont de nombreux Français, souhaitent participer à cette foire qui s’ouvre largement au XXe siècle. Si les collectionneurs belges ont la réputation à l’étranger de gens cultivés, discrets et sérieux, leur goût a changé. « Le style petit-bourgeois, c’est terminé ! », assure Philip Serck. L’Art déco et le design, avec l’art moderne et contemporain, constituent désormais les fers de lance de ce marché qui accompagne la montée en puissance de la foire Art Brussels (lire p. 16). Les Belges arpentent les foires et se ruent dans les salles de ventes internationales, où ils peuvent représenter jusqu’à 20 % des acheteurs pour l’art contemporain à Paris. Art minimal, art conceptuel, Nouveaux Réalistes…, tout les passionne.
« Les collectionneurs possédant une adresse en Belgique et achetant dans le groupe Christie’s ont doublé en dix ans », note Roland de Lathuy. Et ce n’est pas un hasard. Après les communautés de Hollandais venus s’installer dans le nord du pays dans les années 1990 (60 000 dans la région d’Anvers), une vague de Français fuyant une fiscalité jugée trop lourde a élu domicile à Bruxelles depuis cinq ans (lire p. 17). Quand ils sont aussi de gros collectionneurs, ces Belges d’adoption peuvent bénéficier des avantages de la législation belge. Ainsi, en matière de patrimoine mobilier, le don manuel est exonéré de droits de succession.

(1) www.servarts.be 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°235 du 14 avril 2006, avec le titre suivant : Une scène en ébullition

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