Trois questions à

Rüdiger K. Weng, président fondateur de Weng Fine Art AG, Krefeld/Düsseldorf, Allemagne

« Nous revendons uniquement aux professionnels »

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 28 avril 2006 - 907 mots

 En quoi consiste votre activité ?
Avant de fonder ma société le 1er décembre 1994 avec ma compagne de l’époque, Inga Uppenkamp, je travaillais dans le monde de la finance et de la bourse. J’ai toujours été attiré par l’art et mes hobbies sont l’archéologie et l’histoire. Un jour, j’ai voulu combiner mon amour de l’art et mes connaissances en business. J’ai pris un an de réflexion en 1994 pour analyser le marché de l’art : les acteurs, les transactions, les prix… À l’époque, 95 % du marché international des œuvres d’art oscillaient dans une fourchette de prix allant de 100 à 100 000 euros. J’ai parallèlement constaté que la principale difficulté pour un marchand ou une maison de ventes était de trouver des pièces, pas de les vendre. À partir de ces observations, j’ai construit un business modèle unique : celui de devenir un acteur du marché de l’art qui achète des œuvres aux professionnels, en salles de ventes et aux particuliers, et qui revend ces pièces avec profit et le plus rapidement possible, en utilisant le circuit professionnel des enchères, des marchands et des galeries. À la revente, les particuliers ne sont pas nos clients, par choix. Nous ne fonctionnons pas avec un système de commissions. En tenant compte de l’offre et de la demande du marché international, nous achetons et vendons au nom de la société. Les banques qui nous financent ont été séduites par son modèle économique profitable et par sa faible prise de risque que nous essayons de mesurer à chaque fois. Point important : nous ne spéculons pas, car nous ne capitalisons pas sur une valeur future. Nous trouvons des œuvres et les remettons sur le marché là où elles valent plus cher. Et, pour cela, nous suivons des tendances. Nous tirons avantage des marchés régionaux et des diverses structures commerciales, qui diffèrent selon les pays.
Nous nous sommes définis dès le départ un champ d’intervention qui soit le plus large possible, à savoir la peinture, les dessins, les sculptures et les estampes du XXe siècle. J’ai sélectionné près de cinq cents artistes modernes et contemporains qui sont des références internationales. Pour savoir ce que les gens recherchent, j’analyse sans cesse le marché, que ce soit à travers les résultats de ventes, les foires et les salons, les magazines, Internet, le bouche-à-oreille… De nombreuses idées reçues, souvent inexactes, circulent. Pour ma part, j’ai remarqué qu’aujourd’hui les œuvres signées de grands noms et les sujets très commerciaux étaient les critères dominants des collectionneurs, plus que la technique ou la provenance. Nous travaillons avec les grandes maisons de ventes européennes et américaines aussi bien qu’avec les grands marchands. Nous vendons plus de 1 500 œuvres par an et avons un stock actuel de 2 500 pièces. En plus de leur trouver des œuvres, nous fonctionnons un peu comme un établissement de crédit pour les professionnels.

Quels sont vos goûts artistiques ?
J’ai acheté Leçons de ténèbres, une installation à la fois romantique et mélancolique de Christian Boltanski, à la vente Liliane et Michel Durand-Dessert chez Sotheby’s, à Paris, le 6 octobre 2005. Et, depuis mon enfance, j’adore particulièrement Caspar David Friedrich, héros romantique et artiste très rare sur le marché : j’ai acquis dernièrement en Allemagne un dessin chez un marchand et une gravure aux enchères. Les gravures originales de Friedrich sont rares. Il en passe en moyenne une tous les dix ans sur le marché ! J’ai par ailleurs une collection majeure d’œuvres de l’artiste franco-allemand Herbert Zangs, figure importante de l’art d’après-guerre. Il est né chez moi, à Krefeld, et je l’ai personnellement connu (il est décédé récemment). 
 
Quelle est votre actualité ?
Nous entamons une phase de développement, amorcée en 2002 avec le recrutement de cinq nouvelles personnes dans la société. C’est aussi l’année où nous avons lancé une seconde société, RKW Art Asset Management GmbH, qui est un cabinet de courtage spécialisé dans le conseil de collections et la recherche d’œuvres d’art haut de gamme pour les marchands et les maisons de ventes. Le chiffre d’affaires des deux sociétés, qui était de 1,8 million d’euros en 2003, est passé à 4 millions en 2004. Pour 2005, nous avons atteint 7,2 millions d’euros. Nos pensons dépasser les 10 millions en 2007, année pour laquelle nous avons planifié notre entrée à la Bourse de Francfort. Notre but est de devenir toujours plus rentable, pas forcément de devenir la plus grosse société. Une partie de notre activité se tient à Paris, où nos parts de marché, en augmentation, représentent aujourd’hui plus de 20 % de nos ventes en valeur (contre 30 % à New York, 25 % en Allemagne, 10 % à Londres et 15 % dans le reste de l’Europe). Nous voulons ouvrir des bureaux à Paris, Londres, Zurich et New York d’ici deux à trois ans. Car nous devons vraiment être au cœur du marché pour trouver des œuvres. Nous souhaiterions ouvrir notre premier bureau à Paris à la fin de cette année ou au début de l’année prochaine. Paris est la place de marché qui a la plus forte tradition dans l’art. La compétition y est pour le moment moins vive qu’à Londres ou à New York. L’introduction du droit de suite en Angleterre va certainement aider Paris à se développer plus rapidement que Londres. Et il n’y a aucune autre ville au monde que, personnellement, j’aime autant que Paris…

Weng Fine Art AG, Kimplerstrasse 294, Krefeld, Allemagne,  info@wengfineart.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°236 du 28 avril 2006, avec le titre suivant : Rüdiger K. Weng, président fondateur de Weng Fine Art AG, Krefeld/Düsseldorf, Allemagne

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