Analyse

Fonds d’investissement : un soutien ambigu

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 28 avril 2006 - 553 mots

Le fonds Aforge Finance affiche clairement ses visées spéculatives.

Lorsqu’un marché est fort, tout le monde veut sa part du gâteau. C’est l’heure où fleurissent les fonds d’investissement en art. Malgré les prévisions de lancement d’une trentaine de fonds en 2005, la plupart des projets sont restés lettre morte. Si le Fine Art Fund et le China Fund restent encore actifs, la banque ABN AMRO a en revanche abandonné la perspective d’un superfonds détenant des actions d’autres fonds d’investissement en art. L’idée continue néanmoins à taquiner les financiers.
La firme Aforge Finance a ainsi lancé une société d’investissement baptisée Bluekite Holdings Limited. D’après l’un de ses administrateurs, Claude Garnier, il s’agit d’accompagner de manière pédagogique les clients d’Aforge Finance dans le monde de l’art. Le document-test diffusé en janvier et en cours de modification offre toutefois une vision sans fard, davantage focalisée sur la culbute financière que sur la découverte d’artistes. Le but de la société, tel qu’indiqué en préambule, serait de négocier des œuvres d’art et de constituer des collections en vue de les revendre à des tiers. « Sur une période glissante de 12 à 24 mois, on compte généralement entre 15 et 25 artistes qui sont soutenus par des prescripteurs puis reconnus comme “artistes en vogue”, peut-on lire dans le document. On peut estimer qu’entre une et dix œuvres d’un même artiste peuvent être acquises durant la fenêtre d’opportunité. » La « fenêtre d’opportunité » serait de 24 à 36 mois, avec un taux d’échec de 20 à 25 % pour les investisseurs bien informés. Le dossier égrène d’ailleurs les exemples de plus-value. Sid and his Mum d’Elizabeth Peyton, achetable voilà deux ans sur le premier marché entre 50 000 et 70 000 dollars a ainsi été adjugé 240 000 dollars (205 000 euros) chez Phillips en novembre 2005. Selon Claude Garnier, la durée du fonds sera toutefois plus longue et les conditions de sorties réaménagées. Car, au fil des mois, certains clients souhaiteront peut-être conserver les œuvres.

Valeur esthétique
Plus candide est l’idée selon laquelle le fonds pourrait accéder à des œuvres importantes ou rares « qui ne sont pas accessibles au grand public ». Il serait naïf de penser que le conseiller en investissement de ce fonds, Daniel Janicot, par ailleurs président du Magasin de Grenoble et membre du conseil d’administration d’Artcurial (lire ci-contre), pourrait contourner les listes d’attente pour les artistes les plus hot. Quelle galerie prescriptrice accepterait de céder des pièces très demandées à un fonds d’investissement prêt à les revendre deux ans plus tard ?
Les ordonnateurs de cette affaire semblent gênés par la rhétorique financière utilisée dans le document-test. Les outils sont plus restreints que la vision, nous assure Claude Garnier. De son côté, à l’idée de spéculation Daniel Janicot préfère le terme de « soutien » au marché. Mais un marché déjà fort n’a cure du prétendu soutien d’un fonds d’investissement. Daniel Janicot nous précise que si le fonds voit le jour, la moitié des achats serait dévolue à des artistes européens, dont un tiers à des Français. Il serait toutefois surprenant que les actionnaires daignent investir dans des artistes hexagonaux, dont les plus-values à court terme sont faibles. À moins que, une fois n’est pas coutume, ces clients privilégient la valeur esthétique à la valeur financière. Un tel fonds serait alors révolutionnaire !

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°236 du 28 avril 2006, avec le titre suivant : Fonds d’investissement : un soutien ambigu

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