Patrimoine

La maison Carré rachetée

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 28 avril 2006 - 525 mots

La seule construction française de l’architecte finlandais Alvar Aalto, située dans les Yvelines, sera ouverte au public dès 2007.

 PARIS - La maison Carré ne subira pas le même sort que les villas Cavrois de Robert Mallet-
Stevens (Croix, Nord) et E 1027 d’Eileen Gray (Roquebrune-Cap-Martin, Alpes-Maritimes). Grâce à la volonté de la Fondation finlandaise pour la culture, qui vient de s’en porter acquéreur, cette autre icône de l’architecture moderne, seule œuvre française du Finlandais Alvar Aalto (1898-1976), échappera à l’abandon et surtout au dépeçage de son décor intérieur. Située à Bazoches-sur-Guyonne (Yvelines), à une quarantaine de kilomètres de Paris, cette résidence secondaire a été construite entre 1956 et 1959 pour le célèbre marchand d’art Louis Carré (1897-1977), qui y recevait alors le « Tout-Paris ». Mécène et découvreur de talents, Louis Carré choisit alors de solliciter l’architecte finlandais plutôt que son ami Le Corbusier, dont il avait organisé la première rétrospective picturale dans sa galerie parisienne. Carré, qui fut pourtant l’un des premiers à occuper un appartement de la rue Nungesser-et-Coli, à Paris, construit par « Corbu », ne souhaitait vraisemblablement pas une architecture « tout béton » pour sa maison de campagne.
Après leur rencontre à Venise à l’été 1956, en marge de la Biennale pour laquelle Aalto concevait
le pavillon de la Finlande, les deux hommes nouent une amitié qui permettra à l’architecte d’obtenir carte blanche. Dans la lignée de la célèbre villa Mairea à Noormarkku (1938-1939) ou de sa maison expérimentale de Muuratsalo (1953), l’architecte y conçoit une « maison petite à l’extérieur et grande à l’intérieur », conciliant lieu de vie et de travail, en symbiose avec le parc de trois hectares. Plus proche d’un Wright que d’un Le Corbusier, Aalto y met en exergue son goût pour une architecture aux formes expressionnistes. Les matériaux naturels ou vernaculaires – brique blanchie, ardoise bleue, pierre, pin rouge finlandais – confèrent à la villa une atmosphère chaleureuse ; laquelle est dramatisée par les mises en scène de l’éclairage naturel, qui évolue de la pénombre des espaces d’accueil (occupés par une vaste galerie au plafond cathédrale) à la clarté des pièces à vivre.

Mobilier intérieur
Classée monument historique depuis 1996, cette œuvre d’art total devrait s’ouvrir pour la première fois au public en 2007, après une brève restauration. Un diagnostic technique de 2003 est en effet venu confirmer son bon état général, tout comme celui du parc et de la piscine, dessinés également par Aalto. Car Olga Carré, la veuve du marchand, avait pris soin de préserver la villa, mais aussi une grande partie de son mobilier intérieur, dessiné par l’architecte et sa seconde épouse, Elissa. Dès la disparition d’Olga, en 2002, ses héritiers ont annoncé leur intention de vendre l’ensemble pour un peu plus de 3,5 millions d’euros, mobilier compris. C’est finalement pour la somme de 1,5 million d’euros que la Fondation finlandaise pour la culture, un organisme entièrement subventionné par des dons, l’a emporté. 200 000 euros supplémentaires ont déjà été investis dans ce projet de lieu dédié à l’architecture et au design finlandais. On ne peut que saluer cette initiative trop rare en faveur du patrimoine architectural du XXe siècle.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°236 du 28 avril 2006, avec le titre suivant : La maison Carré rachetée

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