Musée

Réouverture

Lumière sur le Musée de l’Orangerie

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 28 avril 2006 - 882 mots

PARIS

La « chapelle Sixtine de l’impressionnisme » rouvre après six années de travaux. Ils auront permis de mieux articuler les « Nymphéas » de Monet avec la collection Walter-Guillaume.

PARIS - Après maints épisodes, le Musée de l’Orangerie, à Paris, fermé depuis 2000, devrait enfin rouvrir ses portes au public le 5 mai, si l’inachèvement des travaux ne résout pas, avec sagesse, la direction des Musées de France (DMF) à en repousser de quelques semaines l’inauguration. Le bâtiment, construit en 1852 sur la terrasse sud-ouest du jardin des Tuileries, et aménagé ensuite pour recevoir, selon le vœu de Clemenceau, les célèbres Nymphéas (1912-1926) offerts à l’État par Claude Monet en1918, retrouvera enfin sa configuration initiale. Celle-ci avait été dénaturée par des travaux menés dans les années 1960 par l’architecte Olivier Lahalle pour accueillir la collection Walter-Guillaume.
Mis au point en 1994, le programme scientifique aura tenu bon malgré les amendements apportés au projet architectural, conçu sur la base d’un partenariat entre Pierre Georgel, directeur du musée depuis 1993, la DMF et l’établissement public Grand Louvre. Alors que l’équipe d’architectes bordelais Brochet-Lajus-Pueyo, désignée lauréate de la consultation en 1998, avait établi sa proposition sur la conquête de 3 000 m2 de surfaces en sous-sol – permettant de faire disparaître le niveau ajouté par Lahalle –, les travaux butaient en août 2003 sur la découverte d’un fragment du mur des Fossés jaunes, l’une des enceintes de Paris, construite à partir du XVIe siècle pour protéger le palais des Tuileries de Catherine de Médicis. Une commission d’experts avait alors été nommée pour décider de l’avenir du mur, et, le 23 janvier 2004, le ministre de la Culture et de la Communication de l’époque, Jean-Jacques Aillagon, rendait un avis positif sur la conservation et la mise en valeur in situ d’une quarantaine de mètres de ces vestiges. Malgré les protestations de plusieurs associations, seuls une dizaine de mètres auront finalement été conservés – pour des questions budgétaires –, après avoir fait l’objet d’un démontage puis d’un remontage total.

Éclairage zénithal
Le résultat, loin d’être spectaculaire, est visible dans l’espace nouvellement construit pour accueillir les cent quarante-quatre œuvres d’art moderne de la collection réunie par le marchand d’art Paul Guillaume (1892-1934). Celle-ci fut remaniée puis vendue à l’État en 1959 et 1963 par sa veuve, Juliette Lacaze dite Domenica, alors remariée à l’industriel Jean Walter. C’est à la suite de cette acquisition que l’Orangerie était devenue musée national, mais aussi que Les Nymphéas avaient été relégués au second rang, privés de leur vestibule d’accès et de la lumière naturelle par la création d’un plancher supplémentaire. C’est donc pour rendre un équilibre entre ces deux pôles du musée et pour retrouver « l’identité mal connue du lieu et des collections » (Pierre Georgel) qu’ont été entrepris ces travaux, d’un montant de 29 millions d’euros, dont 27,5 % ont été financés par la tournée internationale des chefs-d’œuvre du musée. Conservés sur place pendant la durée des travaux, Les Nymphéas retrouveront pour leur part leur dispositif muséographique originel, imaginé par Monet lui-même. Depuis les espaces d’accueil, le visiteur emprunte désormais une passerelle menant vers le vestibule reconstitué, précédant les deux salles ovoïdes – dessinant en plan, selon Pierre Georgel, « le signe de l’infini » – qui abritent les grandes toiles impressionnistes. Placées sur un axe est-ouest, celui de la course du soleil, celles-ci ont retrouvé leur verrière d’origine, protégée par deux grands abat-jour et un vélum mobile. La collection Walter-Guillaume est quant à elle logée en sous-sol, sous la terrasse des Tuileries, dans une succession de salles bordées d’une longue galerie bénéficiant d’un éclairage zénithal. Le parcours débute par deux salles évoquant les personnalités de Paul Guillaume et de Domenica, dont l’un des intérieurs a été partiellement restitué. La collection a pour sa part fait l’objet d’un accrochage subtil dû à Pierre Georgel.

Cinq cent mille visiteurs
Les deux premières salles s’ouvrent ainsi sur des œuvres de Marie Laurencin, puis sur une confrontation entre le Douanier Rousseau et Amadeo Modigliani, les deux « primitivistes » de la collection, achetés sur les conseils d’Apollinaire. La visite est ensuite scandée en séquences confrontant Pablo Picasso et Henri Matisse – c’est Paul Guillaume qui avait organisé leur premier « duel » –, ou encore  André Derain. Très présent dans la collection, ce dernier est montré dans toute la diversité de son talent, pour le meilleur et pour le pire. Maurice Utrillo et Chaïm Soutine viennent enfin clore ce parcours conçu comme un moment de l’histoire du goût.
Doté d’équipements complémentaires (librairie, salle audiovisuelle, ateliers, salle d’exposition), le Musée de l’Orangerie devrait renouer rapidement avec sa fréquentation d’avant la fermeture, soit cinq cent mille visiteurs par an. Il s’animera également grâce à la programmation annuelle de deux expositions temporaires. La première, prévue en novembre, intitulée « Orangerie, 1934 : les peintres de la réalité », consistera en une reconstitution de cette exposition mythique organisée par Paul Jamot et Charles Sterling au cours de laquelle fut révélée l’œuvre de Georges de La Tour. Une manière de renouer avec les grandes heures du musée.

Musée de l’Orangerie, jardin des Tuileries, 75001 Paris, www.musee-orangerie.fr, tlj sauf mardi, 9h-12h30 pour les groupes, 12h30-19h pour les individuels. À venir : « Orangerie, 1934 : les peintres de la réalité », du 21 novembre 2006 au 5 mars 2007.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°236 du 28 avril 2006, avec le titre suivant : Lumière sur le Musée de l’Orangerie

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