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PROGRAMMATIONS

Les stratégies des musées pour compenser l’inflation des coûts

Par Isabelle Manca · Le Journal des Arts

Le 4 janvier 2018 - 918 mots

De plus en plus limités par les coûts croissants des expositions, les musées multiplient les parades pour adapter leur programmation. Moins de faste, plus d’inventivité.

Tandis que les budgets des musées ne cessent de diminuer, le coût des expositions continue, lui, en revanche de flamber. Assurance, emballage ou encore transport ; tous les postes de dépense explosent, rendant les grandes expositions inabordables pour un nombre croissant de musées. Si les mastodontes parviennent encore à tirer leur épingle du jeu, ils doivent toutefois, de plus en plus souvent, s’allier à des établissements partenaires pour organiser des expositions blockbusters. Les coproductions entre musées français et internationaux, essentiellement européens et nord-américains, sont ainsi devenues la norme pour les expositions-événements, afin de mutualiser les coûts faramineux et de réunir un nombre significatif de chefs-d’œuvre. En 2017, les principales expositions du Musée du Louvre sont, par exemple, toutes le fruit de collaborations internationales. L’exposition Vermeer a ainsi été organisée en collaboration avec la National Gallery of Art de Washington, tandis que celle consacrée à Valentin de Boulogne a été réalisée en partenariat avec le Metropolitan Museum de New York.

Des formats moins coûteux
Si les très grands musées maintiennent encore le cap, les établissements de taille moyenne, et a fortiori les petits, sont obligés de réduire la voilure ou de trouver des stratégies alternatives. Les musées de région ne présentent ainsi, en moyenne, plus qu’une grande exposition temporaire par an pour faire face à ces contraintes budgétaires. Certains, comme le Palais des beaux-arts de Lille ne programment même qu’une exposition d’envergure internationale tous les deux ans. Ce dernier présente, en revanche, un « Open museum » par an, c’est-à-dire une opération de valorisation de ses collections par le biais d’interventions dans le parcours permanent et d’expositions-dossiers.

L’événementialisation des collections est en effet une tendance de fond. Peu « budgétivore », elle repose essentiellement sur la construction d’expositions à partir des œuvres du musée. Cette formule, qui permet de faire tourner davantage les fonds, rencontre un succès croissant. Le Musée des beaux-arts de Rouen propose depuis 2012 « Le Temps des collections », un rendez-vous annuel sur ce modèle, tandis que depuis sa réouverture après travaux, le Musée des beaux-arts de Bordeaux programme régulièrement des expositions thématiques exploitant le potentiel de ses collections. La dernière en date est par exemple centrée sur son fonds de paysages. Toujours dans cette idée d’événementialisation, plusieurs musées succombent par ailleurs à la mode de la carte blanche accordée à un artiste ou une personnalité. À l’image du Musée Delacroix qui confie actuellement son accrochage à l’écrivain à succès Christine Angot.

Moins de têtes d’affiche
Autre tendance de fond, de nombreux musées explorent des territoires longtemps laissés en friches. Les têtes d’affiche étant devenues totalement inaccessibles pour le portefeuille de l’écrasante majorité d’entre eux, certains musées font le pari, parfois gagnant, des outsiders. On assiste ainsi actuellement à une succession effrénée de redécouvertes de petits maîtres et d’artistes oubliés, ou passés de mode. Rien qu’en 2017, le public français a ainsi pu découvrir les œuvres d’Anders Zorn et Albert Besnard au Petit Palais, de Bernard Buffet au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, mais aussi de Georges Dorignac et de Robert Pougheon à La Piscine de Roubaix. Une dynamique vertueuse, car ces manifestations permettent souvent de faire avancer l’histoire de l’art tout en permettant aux musées de montrer des œuvres beaucoup plus abordables, car généralement conservées dans de petits musées voire chez des descendants des artistes, qui n’ont pas les mêmes exigences que les grands établissements dont les conditions de prêt sont prohibitives.
Cet engouement pour les outsiders va parfois de pair avec une autre tendance, la multiplication des expositions thématiques. Ces dernières permettent en effet de réunir des pièces d’artistes de notoriété et de talent différents au sein d’un parcours au propos assez large.

Partenariats entre musées
Autre « vertu » de la crise, les contraintes budgétaires incitent les grands musées à renouer avec une tradition d’entraide qui s’était un peu émoussée. Le nombre de partenariats, ponctuels ou durables, entre musées nationaux et territoriaux a récemment explosé. Cette politique permet aux musées de région d’organiser des expositions prestigieuses qu’elles n’ont plus les moyens d’assumer seules. Cette tendance est actuellement particulièrement sensible dans le domaine de l’art moderne en raison de la concordance de plusieurs opérations lancées en 2017 : les expositions organisées à l’occasion du 40e anniversaire du Centre Pompidou dans quarante villes, mais aussi les expositions Picasso organisées, par exemple à Perpignan et à Aix-en-Provence, dans le cadre de la manifestation « Picasso Méditerranée ». Grâce à ces deux programmes, quantité de musées territoriaux ont ainsi pu organiser des expositions de grande ampleur à moindre coût.

Dans un registre différent, une autre stratégie pour limiter les coûts en maintenant des contenus de qualité est de recourir à des expositions, en partie sponsorisées. Une pratique répandue dans l’univers de la mode et du luxe, où les musées bénéficient souvent du soutien matériel et financier des marques. À l’instar de la rétrospective fleuve que les Arts décoratifs consacrent actuellement à Dior, avec le soutien de la célèbre maison de couture. Dans le même esprit, les musées de beaux-arts ouvrent de plus en plus leurs portes à des collections privées. En l’espace d’un an, le public a ainsi pu admirer la collection Leiden au Louvre, la collection Horvitz au Petit Palais ou encore cinq collections particulières au Musée des beaux-arts d’Angers. Comme les marques de luxe, les collectionneurs n’ont pas les mêmes exigences que des prêteurs institutionnels et son parfois prêts à soutenir financièrement ces expositions, car ils en retirent un bénéfice en termes d’image.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°492 du 4 janvier 2018, avec le titre suivant : Les stratégies des musées pour compenser l’inflation des coûts

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