Ange Leccia, commissaire prisé

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 4 janvier 2018 - 519 mots

À la galerie Les filles du calvaire, Ange Leccia se confronte pour la première fois à l’exercice du commissariat d’exposition, prolongeant le dialogue entamé au Palais de Tokyo avec la création émergente.

Paris. Fin juin 2017, le Pavillon Neuflize OBC au Palais de Tokyo n’était plus qu’un espace vide. La décision de Jean de Loisy de mettre un terme au programme de résidences d’artistes créé et dirigé par Ange Leccia depuis 2001 avait surpris, y compris le mécène. « Your Brain Is My Bedroom » proposé par l’artiste à la galerie des Filles du calvaire n’est pas sans faire écho à l’esprit de cet ancien laboratoire de création prestigieux, berceau de nombreux projets d’artistes récompensés par des prix. Stéphane Magnan, directeur des Filles du calvaire, ne cache pas que sa décision de donner carte blanche à Ange Leccia s’inscrit dans le désir de le voir prolonger dans les espaces de la galerie « son travail de défricheur, d’accompagnateur et de soutien à des jeunes artistes en devenir », dans le souhait aussi dit-il, « d’élargir davantage la programmation de la galerie à l’art contemporain en accentuant la réflexion politique ».

L’invitation ne pouvait que séduire Ange Leccia. Excepté Hoël Duret représenté par Torri et ancien résident au Pavillon Neuflize OBC, aucun des quatre autres artistes n’est en galerie. Aucun d’entre eux n’a plus de 30 ans. Aucun enfin qui ne partage pas un certain goût pour l’inquiétante étrangeté de l’être et des situations. « Your Brain Is My Bedroom » est le premier commissariat que signe Ange Leccia. Il ne laisse pas indifférent. Le choix des artistes, des pièces croisant différents médiums, leur articulation en séquences, conduisent à écouter attentivement autant qu’à voir ce qui se dit. L’interface images, objets et sons induit souvent le visiteur à rentrer dans le dispositif pour le déclencher. S’asseoir dans la chaise à bascule d’Emma Dusong, engager le mouvement de balancier, donne ainsi à entendre par bribes la voix devenue enfantine de sa grand-mère ; à l’étage, porter à ses oreilles deux oreillers engendre une autre installation sonore de l’artiste convoquant la disparition, le deuil.

Plus loin, rester devant le rideau transparent d’After all you’ve been through de Qin Han et Yuyan Wang, les deux artistes chinoises du groupe Nidgâté, déstabilise. La conjonction de sons de séances de coaching diffusés devant un montage vidéo de gestes de mains prélevés dans des films crée un effet anxiogène au fur et à mesure que le volume des injonctions s’accroît pour mieux brouiller leur sens. Les biotopes miniatures de Hoël Duret sous des formes enchanteresses sont tout autant porteurs de situations absurdes et inquiétantes. La maison en céramique émaillée indéfinissable dans sa texture et le fagot de bois légèrement velus forment d’autres faux-semblants intriguant. Dévoration d’Ange Leccia, produite pour la vitrine de la galerie, ne l’est pas moins. De 850 euros pour les eaux-fortes sur zinc d’Emma Dusong à 8 000 euros pour l’installation de Nidgâté et 4 000 euros pour la demeure en céramique de Florian Mermin, l’éventail des prix est large, et le nombre de pièces inédites comme Dévoration (30 000 euros) particulièrement élevé.

Your brain is my bedroom

Ange Leccia, Emma Dusong, Florian Mermin, Hoël Duret, Nidgâté, jusqu’au 1er janvier 2018, galerie Les filles du calvaire, 17 rue des Filles-du-Calvaire, 75003 Paris.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°492 du 4 janvier 2018, avec le titre suivant : Ange Leccia, commissaire prisé

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