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Que va devenir l’hôtel Mezzara ?

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 13 décembre 2017 - 816 mots

Le bâtiment construit par Hector Guimard, passé entre les mains de plusieurs propriétaires, est aujourd’hui en attente de nouvelles attributions.

Paris. Durant les week-ends de septembre à décembre, une file d’attente s’est formée devant l’hôtel Mezzara, dans le 16e arrondissement. La tenue d’une petite exposition sur Hector Guimard constituait une rare occasion pour le tout-venant de découvrir le rez-de-chaussée de cet hôtel particulier, bâti par le plus célèbre architecte français de l’Art nouveau connu pour ses édicules de métro aux lignes courbes. « Jusqu’à 400 visiteurs par jour », s’est enthousiasmé le cercle Guimard, qui a organisé la manifestation. Cette association espère aujourd’hui transformer l’essai, en devenant à terme l’occupant de ce bâtiment resté dans son jus (voir encadré ci-dessous). Bâti en 1910 pour l’industriel du textile Paul Mezzara, l’édifice doit en effet trouver une nouvelle affectation depuis que le ministère de l’Éducation nationale, son propriétaire depuis 1956, a décidé de s’en délester en 2015. L’hôtel Mezzara, qui servait d’annexe à un internat voisin, ne « présentait alors plus les conditions d’accueil, de confort et de sécurité désormais requises pour accueillir des élèves », nous a confié le ministère de l’Éducation, précisant que le fruit de sa vente aurait dû financer en partie la rénovation de l’internat principal. Aussi ce bâtiment a-t-il été « déclassé du domaine public de l’État » en septembre 2015 et remis à la Direction de l’immobilier de l’État (DIE, ex-France Domaine) pour trouver acquéreur.
 

En faire un lieu de mise en valeur de l’Art nouveau

« Notre sang n’a fait qu’un tour », raconte Bruno Dupont, vice-­président du cercle Guimard. Cette association fondée en 2003 par des historiens, architectes, journalistes et collectionneurs passionnés par l’œuvre de Guimard a « rapidement présenté à la DIE un projet pour l’édifice ». Elle ambitionne en effet d’installer « un centre culturel Guimard » dans ce bâtiment qu’elle avait déjà eu l’occasion d’investir plusieurs fois pour des expositions ou des conférences. « L’idée n’est pas de faire un musée car les normes seraient trop contraignantes », explique aujourd’hui Bruno Dupont, mais un lieu d’expositions temporaires où les collectionneurs liés au cercle Guimard pourraient notamment présenter leurs œuvres (surtout des fontes) de l’architecte-décorateur. Les membres de l’association ont amassé quantité d’archives liées principalement à la redécouverte de l’œuvre de l’architecte dans les années 1960, le cercle Guimard propose aussi de faire de Mezzara un « centre de ressources et de documentation » et, plus généralement, un lieu de mise en valeur de l’Art nouveau « qui manque à Paris ».

 

 

Le ministère de la Culture suspend la vente

Ce projet assez imprécis a trouvé une oreille favorable auprès du Conseil de Paris en mars 2016 : il a émis le vœu d’un soutien de la mairie de Paris. Un mois plus tard, la DIE a décidé de suspendre la vente de l’hôtel Mezzara à la demande du ministère de la Culture, qui, en juillet 2016, a fait intégralement classer l’édifice. À la rue de Valois pourrait-il échoir la propriété du lieu laissé vacant par son confrère de l’Éducation ? « Un dossier est en cours d’étude par les services de la culture et la DIE, mais il est prématuré d’en parler », nous a communiqué le service de presse du ministère, précisant que « cette étude n’est pas menée conjointement avec le cercle Guimard ». À l’heure où son exposition s’achève, l’association qui espère investir l’hôtel particulier dans le cadre d’un partenariat public-privé doit rendre les clés de Mezzara. Elle compte bien bénéficier de sa situation privilégiée - la DIE lui a ouvert grand la porte de Mezzara durant plusieurs mois - et de sa nouvelle visibilité pour rassembler autour d’elle l’appui des pouvoirs publics ou d’un mécène providentiel.

 

 

 

Un hôtel resté dans son jus

Des affectations très diverses. En plus de cent ans, cet hôtel particulier signé Guimard a connu différentes affectations. Bâti en 1910 pour exposer les créations textiles de Paul Mezzara, qui ne l’occupe que très brièvement, il abrite ensuite une famille. En 1930, il devient un pensionnat, puis est cédé à l’État en 1956, qui créé un internat. Il n’en a pas moins été plutôt bien préservé. Classé Monument Historique dès 1975, « il a fait l’objet d’un entretien et de restaurations consciencieuses », selon les représentants du cercle Guimard. Sa façade aux lignes douces a peu bougé (à l’exception de ses gouttières en fonte qui ont disparu), ses aménagements intérieurs ont été conservés, permettant d’admirer dans le hall un grand vitrail zénithal et un imposant escalier de ferronnerie aux motifs floraux. Dans la salle à manger subsistent un vaisselier, une table et des chaises conçus par Guimard – qui ne sont pas encore classés comme le reste de l’édifice – et une peinture murale de l’artiste art déco Charlotte Chauchet-Guilleré. De multiples transformations ont évidemment été effectuées au cours de l’histoire du lieu, telle l’installation de douches collectives à l’étage, souvenir de l’internat, et l’apposition d’une teinte vert amande sur des portes qui étaient sans doute à l’origine couleur bois naturel.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°491 du 15 décembre 2017, avec le titre suivant : Que va devenir l’hôtel Mezzara ?

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